Je pousse un petit soupir en posant mes pieds sur la petite table ronde devant laquelle j’avais pris place depuis un petit moment déjà. Alors qu’au départ, j’étais plutôt enthousiaste à l’idée de venir dans ce bar, je dois avouer qu’à présent, je m’emmerdais royalement. Une chanteuse qui avait probablement plus de poitrine que de talent s’égosillait sur la petite scène du bar. Bière à la main, je ne la regardais même pas, dégoûté par la piètre performance qu’elle livrait. La plupart des hommes, souvent bien entamés, la sifflaient grassement et ça me rendait malade. Ou bien c’était la deuxième bière que je venais de me taper qui me rendait légèrement nauséeux, allez savoir. Non, je n’avais pas une très grande résistance à l’alcool même si je commençais à prendre le pli. C’est qu’à être tout juste majeur, je ne buvais pas depuis des lustres. Et si mes parents me prenaient la main dans le sac même maintenant, surtout ma mère, adepte de la bonne santé et des graines d’oiseaux, ça ferait un vrai scandale !

Mon regard se pose à nouveau sur la scène, interpellé par le manque de grincements désagréables. Visiblement, Barbie avait passé tout son registre pour la soirée, amen. C’est un grand gaillard un peu dégingandé qui prend sa place, pas mal dans son genre, mais ça, ça ne voulait rien dire. Je l’observe, un peu blasé. Excusez-moi, mais je songe seulement à partir. Le copain qui devait me rejoindre avait deux plombes de retard et ne m’avait même pas appelé. Je m’ennuyais comme un rat mort et ça ne me plaisait guère. Encore une fois, on me prenait un peu pour la quiche de service, quoi ! J’en avais marre… D’ailleurs, je me lève. Mon regard croise celui du type qui venait de s’asseoir, gratte à la main… et les premières notes se font entendre au même moment. Sans vraiment m’en rendre compte, je suis à nouveau assis, le regard posé sur le guitariste, admiratif. Il est doué, vraiment et c’est tout à fait un genre de musique que j’aime. En deux notes, ce mec m’a convaincu de rester, quoi.

Je ne sais même pas combien de temps ça dure. Il enchaîne les chansons et à chaque fois que l’air change, je rêvasse un peu plus. L’anglais dans lequel il chante la majorité du temps semble parfait… du moins, à mes oreilles coréennes. Ça en ajoute malgré tout au charme de ses mélodies. Et finalement, ça prend fin. Je repousse mon verre de bière vide et me lève sur le champ ! Je n’avais jamais eu ma langue dans ma poche et je ne comptais pas faire exception cette fois, surtout lorsque j’avais la chance de peut-être parler un peu avec un type intéressant, quoi. De fait, je me dirige vers la petite scène. Et juste avant qu’il disparaisse dans l’arrière-scène probablement un peu étroite et mal éclairée de l’endroit, je l’attrape par le poignet !

« Eh, mec ! », l’interpellai-je, un sourire étirant mes lèvres fines. « C’était vraiment cool, sérieux. À se demander ce que tu fais dans ce p’tit bar miteux, sans vouloir te vexer. »

Oui bon, c’était peut-être un brin chiant, mais je ne le disais pas pour l’insulter ! C’était sincère. Selon moi, il aurait dût avoir accès à une autre scène que celle-ci. Quelque chose de… mieux, tout simplement ! Parce qu’ici, il n’allait pas avoir une grande visibilité. Sauf s’il avait une poitrine aussi généreuse que la voix de crécelle précédente, mais j’étais hautement dubitatif à cette idée !

« J’m’appelle Gaon. », me présentai-je, toujours souriant. Toutefois, je relâche son poignet, histoire de ne pas non plus me montrer trop insistant. Enfin… ouais, quoi ! « T’es occupé, là ? Je te paie une bière. »

Au même moment, je vois Barbie qui remonte sur scène et je pousse un petit juron. Et merde… pourquoi est-ce qu’elle revenait, celle-là ? Ils essayaient seulement de combler les trous ? Mettre la radio aurait été encore mieux, à ce compte-là !

« Ou bien tu me permets de sauver tes tympans et on sort au plus vite d’ici… », marmonnai-je en grognant un peu, montrant d’un signe de tête blondie qui avait recommencé à se lamenter comme si la fin du monde était proche. « Mon chien m’attends dehors, d’ailleurs… »

Parce que vu la tronche du chien, personne n’oserait jamais essayer de l’approcher, de toute façon. Alors, je l’attache en arrière du bar et puis lorsque je reviens de ma soirée beuverie, ma bonne Geulimja est folle de joie. Ça lui fait prendre l’air, quoi…