Il ne savait pas comment ils en étaient arrivé à déménager si vite, mais ils avaient désormais leur petit chez eux. Enfin, pas si petit que ça, mais quand même. Voilà donc deux jours que Jaehwa et Taeyeol avaient emménagé tous les deux. Le fait que le père de Song connaissent un propriétaire d’appartements de luxe avait précipité les choses, un peu trop au goût de Park qui aurait aimé parler plus de la question avec son amoureux, mais maintenant que c’était fait, il n’allait certainement pas s’en plaindre. C’était sa chance, après tout, de repartir à neuf. Se donner une chance, et en donner une à celui qu’il aimait.

Puis leur appartement était simplement magnifique. Grand, lumineux. Décoré au goût du jour et meublé entièrement en neuf, l’appartement était digne de princes. Mais il n’allait pas se le cacher, Jaw attendait impatiemment que toutes les boîtes soient rangées pour qu’ils aient un peu la paix. C’était bien gentil de la part de tout le monde de vouloir les aider, mais il avait hâte de pouvoir profiter d’un moment d’amoureux. Justement, il revenait tout juste d’être allé reconduire ses trois sœurs qui avaient pratiquement passé les deux dernières journées à l’appartement. Il ne lui restait qu’à croiser les doigts pour que sa gentille belle-mère ait rendu la serviette à son tour.
Attendant à un feu rouge, il tourna la tête vers une vitrine dont les couleurs chatoyantes avaient attiré son attention : une animalerie. « Vraiment ? On pourra s'acheter un chien aussi pour tenir compagnie à mon bébé chat ? » Un sourire apparut sur ses lèvres en repensant à cette phrase de son bien-aimé. Pourquoi ne pas aller jeter un coup d'œil ? C’est donc dans l’optique de seulement regarder qu’il entra dans la boutique…. Erreur. C’était une grosse bourde. Pourquoi, demanderez-vous ? Parce qu’il arriva la fatalité si commune aux animaleries : Il tomba amoureux. Pas de la vendeuse, non ! Mais d’un petit poméranien tout blanc. Il aurait pu repartir sans la petite boule de poil, mais il n’en eut pas le cœur. Après tout, Song voulait un chien, non ?

Devenant tout de suite complice avec la petite vendeuse –qu’il soupçonnait d’ailleurs avoir un petit béguin pour lui-, il passa un joli collier violet bordés de pierres scintillantes au cou de la petite chienne. Ils lui trouvèrent une grosse boite cadeau, faite spécialement pour le transport d’animaux, et apposèrent sur le dessus de celle-ci une grosse boucle violette. Magnifique. Park se chargea d’acheter le nécessaire pour le nouveau membre de la famille Park-Song et il fila à l’appartement qu’il n’était pas bien loin. Il gambadait presque en arrivant devant la porte : il s’imaginait déjà la joie qu’il pourrait lire sur le visage de son amoureux. Comme il aimait lui faire plaisir.

Dès qu’il poussa la porte, il entendit la voix de sa belle-mère. Arf. La surprise était un peu moins amusante s’ils n’étaient pas que tous les deux, mais bon. Il ne pouvait se résoudre à la ranger dans le garde-robe d’entrée en attendant, tout de même. Reprenant donc son enthousiasme, il enleva ses chaussures en vitesse et alla déposa avec délicatesse la grosse boite sur la table de la cuisine. Courant presque, il alla derrière Song pour poser ses mains sur ses yeux, interrompant sans gêne la conversation platonique sur la vaisselle que ce dernier entretenait avec sa mère. «Yeobo, j’ai un cadeau pour toi ». Le guidant à travers leur nid d’amour, les mains toujours placées en fonction de bloquer la vue de son ainé, il ne consentit à lui redonner son sens visuel que lorsqu’ils furent devant le gros paquet. Enlaçant doucement sa taille, il chuchota un simple «Pour fêter notre nouvelle vie, mon amour » qui lui donnait le feu vert pour déballer sa surprise, qui devait frétiller d’impatience.

« Je déteste la façon dont cette table est placée... » Taeyeol pivota sur ses talons, des ustensiles de cuisine encore entre les doigts et posa son regard sur sa mère qui se tenait à côté de ladite table, les poings sur les hanches. « Maman, s'il te plaît. C'est très bien comme ça. » Elle soupira longuement avant de finalement consentir à croiser le regard de son fils. « T'es bien sûr que c'est ce que tu veux ? Tu ne nous dérangeais pas, tu sais et- » Tae déposa les ustensiles et alla interrompre sa mère dans son énième discours sur le sujet avant qu'elle ne recommence en se servant de la technique la plus efficace envers une mère : un câlin. « Mais oui, t'en fais. Tu ne croyais tout de même pas que j'allais rester à la maison toute ma vie ? » Il lui adressa un large sourire réconfortant tout en le relâchant doucement. Il savait ce qui tracassait sa mère : le fait qu'il était son bébé. Malgré tous les efforts du monde, Song resterait toujours le même gamin aux yeux de sa maman et le voir partir lui faisait réaliser à quel point les années avaient passé si vite. Sa soudaine manie de critiquer tout dans l'appartement venait uniquement de ce nouveau sentiment d'inconfort. Oui, le jeune homme avait commencé à lire les livres de psychologie que sa mère avait écrits afin de se faire une certaine connaissance sur le sujet et il avait retenu un passage sur ce genre de situation.

Avant même de pouvoir dire autre chose, Taeyeol fixait déjà les cheveux noirs de sa mère s'éloigner pour aller chercher une nouvelle boîte, lançant sa prochaine complainte sur la vaisselle qu'ils avaient choisie. « Maman ~ » Mais aussitôt des mains vinrent se plaquer au niveau de ses yeux pour lui couper son champ de vision et il reconnut immédiatement la présence de Jaehwa. Un cadeau ? Une surprise, donc ? Il s'en agitait déjà d'impatience à l'idée de découvrir ce qu'avait bien pu faire le plus jeune et se laissa guider avec plaisir jusqu'à avoir le feu vert. Son regard se posa un moment sur la boîte et un « non » enjoué lui échappa, devinant avec une certaine aisance ce qui se trouvait à l'intérieur. Néanmoins, l'aîné se jeta quasiment sur l'objet pour le déballer et en sortir la boule de poils blanche qui lui extirpa un cri aigu de joie alors qu'il la tenait à bout de bras façon Roi Lion, mais gardant le chiot face à lui. Bien sûr, cela attira l'attention de sa mère qui vint jeter un coup d'oeil à la bête, exprima son côté féminin gaga avant de jeter un regard rapide à Jaehwa et de finalement déclarer qu'elle s'en allait. À vrai dire, c'est à peine si Taeyeol remarqua son départ tant il était occupé à tenir le pauvre canin en l'air, le fixant avec la bouche ouverte et les yeux pétillants pour finalement avoir une nouvelle réaction et le serrer contre lui. Song se retourna vivement vers Park pour le remercier d'un tendre baiser et reprit son extase sur le chiot, se mettant à sautiller sur place comme une gamine à qui on aurait offert sa friandise favorite. « Mon dieu, mon dieu, mon dieu... Yewa ? Bébé chat ? J'ai un ami à te présenter ! » Sans attendre davantage, le plus vieux parti à la recherche de sa jeune protégée pour finalement la trouver couchée sur le divan du salon et s'empressa d'aller déposer le chiot à l'autre bout du meuble. Évidemment, la seule réaction du félin fut de se réveiller complètement, courber le dos et se mettre à feuler tandis que le chiot bondit joyeusement vers elle. « Je crois pas que ce soit gagné. » Une moue gagna son visage alors qu'il tournait la tête vers son cadet. « C'est un garçon ou une fille ? »

Un sourire illumina le visage du plus jeune lorsqu’il entendit l’exclamation de joie de l’ainé : oui, il avait vu juste. La petite chienne lui plaisait. Mais après tout, comment ne pas aimer une chose aussi mignonne que la boule de poils blanche ? C’était tout bonnement impossible. Lorsque la mère de Song quitta les lieux, Jaehwa passa à deux minuscules cheveux de se ruer sur la porte d’entrée et de la verrouiller à double tour pour être sûr d’avoir la paix, mais il ne le fit pas. Après tout, ils n’attendaient plus de visite pour le moment et il n’avait pas envie d’avoir l’air plus perturbé qu’il ne l’était déjà aux yeux de celui qu’il aimait.

Ce fut le tendre baiser qui vint effleurer ses lèvres qui lui fit reprendre contact avec la réalité. Un sourire plus tendre remplaça l’ancien alors qu’il songeait que le baiser avait été beaucoup trop court. Mais bon. Il devait se résoudre : avec le cadeau qu’il venait d’offrir à son petit-ami, il n’était pas prêt d’avoir de l’affection avant un long moment. Ou du moins, le temps que la nouvelle arrivée dans la famille s’endorme. Soudainement, l’ainé aux cheveux roses interpella son chaton. Yewa ? Le chat avait donc un nom ? Même en cherchant bien profond dans sa mémoire, Park était bel et bien certain que jamais il n’avait jamais entendu ce nom auparavant : son bien-aimé appelant toujours son petit animal par le surnom aussi original que descriptif «bébé-chat». « Tu me crois si je te dis que je ne savais même pas que le chat avait un nom ? J’étais certain qu’il s’appelait bébé-chat ! » Yewa… N’était-ce pas un mélange de leurs deux noms ça ? Rougissant légèrement à cette découverte, le cadet eut un pincement au cœur. Ainsi, même s’il n’était plus là et qu’il ne venait pas le voir en prison, Song pensait tout de même un peu à lui. Au moment d’acheter un chat en tout cas.

Suivant son nouveau colocataire au salon, il regarda la scène avec un sourire espiègle. Évidemment que ce n’était pas gagné, c’était quand même un chat et un chien. « T’inquiètes pas. La petite vendeuse a dit que puisqu’ils sont tous les deux jeunes, ça ne prendrait pas de temps avant qu’ils soient super potes ! » Oui bon, d’après la réticence du chat ce n’était pas facile à visualiser, mais ça viendrait. Il espérait en tout cas. Un garçon ou une fille ? C’était évident pourtant, sinon il ne lui aurait pas mis un collier violet avec des diamants dessus voyons ! Pour un petit dude, il aurait opté pour un collier noir avec des pics. Super badass. « C’est une petite demoiselle. D’où le collier. Oh et elle est très fragile. Elle a été très malade, c’est pour ça qu’elle est toute petite. Chaton pourrait lui mettre une raclée facilement. J’ai acheté des médicaments au cas où, et de la nourriture spéciale pour elle. C’est notre bébé, aussi fragile qu’un nouveau-né ! »

Il se laissa glisser sur le fauteuil près du divan et continua de regarder la familiarisation de leurs animaux en rigolant légèrement. Voir la petite chienne tourner la tête avec fascination alors que le chaton semblait vouloir lui arracher les yeux était pour le moins, spécial. Il tourna finalement la tête vers son copain. « Visiblement je ne me suis pas trompé, elle a l’air de te plaire. Et Yewa a l’air totalement sous le charme ! » Dans un élan, il attrapa son copain pour le faire assoir sur lui alors que leurs yeux ne quittaient pas les deux boules de poils. « Il faut lui trouver un nom. T’as une idée ? Moi je suis complètement nul pour ça. »

En entendant le fait que Jaehwa ignorait jusqu'à aujourd'hui que le jeune félin avait un nom, Taeyeol en rit avant de lui jeter un coup d'oeil rapide. « Bébé-chat, vraiment ? J'ai quand même un peu plus d'imagination que ça, tu devrais le savoir ! » Malheureusement pour ses plans d'amitié soudaine entre les deux animaux, ça ne semblait pas sur le point de survenir dans l'immédiat vu comment la petite femelle faisait le dos rond en crachotant comme si elle venait de voir le diable en personne. « Je la croyais pas farouche, eh beh. Peut-être qu'elle n'aime que moi, remarque. » Ce qui expliquerait pourquoi ce chaton avait toujours mis un point d'honneur à prendre le trois-quarts de son lit pendant qu'il dormait, mais que sa mère n'avait jamais réussi à ne serait-ce que la prendre dans ses bras. « Notre bébé ? Décidément, on n'a pas lambiné sur la grossesse et j'espère qu'il n'y a pas de vidéo de l'accouchement : je préfère rester dans l'ignorance ! » Song rit à sa propre réplique avant de se faire entraîner vers le divan et forcer à s'y asseoir. Sans s'y opposer, il se laissa complètement faire, ramenant ses jambes sur le divan également et se blottit contre Jaehwa, aussi féminin cela puisse-t-il avoir l'air. « Elle est adorable, mais je crois que deux filles ensemble, ça risque pas de bien aller. Elles vont se crêper le chignon à longueur de journée ! » Il sourit, amusé de voir le chaton tenter de donner un coup de patte à la chienne, attaque qui fendit simplement l'air.

Jugeant que la tentative de rapprochement avait suffisamment échouée pour aujourd'hui, Taeyeol prit la petite chienne dans ses bras afin de la ramener vers lui et observa avec attention le collier qui lui encerclait le cou. « Un nom.. laisse-moi y penser. On a déjà Song Yewa, la warrior, » commença-t-il en désignant l'adorable boule de poils toujours figée dans sa position de défense. « Et maintenant on a Park... » Il mit sa phrase en suspens pour réfléchir, caressant le poil blanc du chiot tout en remuant ses méninges pour trouver quelque chose. Tae n'était pas spécialement le meilleur dans les noms, mais à force de chercher, il finirait bien par trouver un truc. Puis, soudainement lui vint l'idée sûrement la plus gay qu'il ne pourrait trouver, mais ce n'était pas ce détail qui allait l'arrêter. « Pourquoi pas Sarang ? » Song leva les yeux vers Jaehwa, le sourire toujours accroché aux lèvres en attendant le verdict. Quoi de plus approprié comme nom pour leur petite que de l'associer à une preuve de leur amour ? « Park Sarang, regarde comment ça lui va bien à c'te bouille adorable ! » Pour appuyer ses mots, il leva la chienne jusqu'à la mettre côte à côte avec son visage, fixant son petit ami avec insistance.

Sauf que son rapprochement, ainsi que sa grande attention, avec la nouvelle arrivante ne manqua pas de rendre le chaton jaloux et Yewa se décida enfin à bouger, venant poser ses pattes contre la cuisse de Jaehwa pour lui miauler après, réclamant elle aussi sa dose d'affection. « C'est qu'on a une jalouse ~ » remarqua-t-il en rigolant de voir son bébé chat agir de la sorte avec quelqu'un d'autre que lui pour la première fois depuis qu'il en avait fait l'achat.

c'est tellement gay que j'en vomis des papillons qui chient des arc-en-ciels.

Jaehwa rigola également à la réplique de Song. Un accouchement, et quoi encore ? Son humour lui avait manqué, songea-t-il en l’entrainant avec lui sur le sofa. Leur humour. L’ainé se blottit contre lui et il passa une main dans les cheveux rosés de ce dernier. Il soupire d’aisance, ne serait-ce qu’une seconde. Depuis combien de temps ne s’était-il pas sentit aussi bien ? Il était si prêt de cette vie qu’il avait eue autrefois, et pourtant il s’en sentait toujours aussi loin. Il riait, mais d’une façon différente d’avant. Avant, il aurait embarqué dans le délire avec son petit-ami, maintenant il s’en sentait incapable. Rien ne lui venait. Perdu, comme à sa nouvelle habitude, dans ses pensées, il sursauta légèrement lorsqu’il entendit la voix de Song parvenir à ses oreilles. Il eut un sourire en retournant son attention sur les deux bestioles qui se toisaient. Oui, ça ne serait pas chose facile. Surtout deux petites filles. Mais maintenant le logis était équilibré non ? Deux gars, deux filles.

Ses yeux noirs suivirent les mouvements de son bien-aimé qui ramena la chienne sur lui. Un nom à présent. Park avait acheté le chien, il avait bien fait sa part. Il n’avait aucune imagination pour ce genre de chose, soit il préférait ne pas s’essayer. Park ? Maintenant il affublait les noms d’animaux de compagnie d’un nom de famille en plus ? Un sourire vague se dessina sur ses lèvres alors que ses doigts se faufilaient sur la tête blanche du petit être pour l’y gratouiller affectueusement. Puis vint la proposition : Sarang. Amour. Prenant le temps d’y réfléchir, le cadet afficha une moue de réflexion, moue qui fut bien vite balayée par un éclat de rire lorsque Song plaça la petite chienne près de son visage. « Totalement adorable. Même si c’est super gay ! » Il rigola à nouveau, mais il acceptait l’idée. C’était mignon tout plein quoi.

Son attention fut ensuite portée vers le bébé chat qui réclamait adorablement de l’attention. Il ne se fit pas prier pour la prendre dans ses bras et la chouchouter un maximum. « Tu n’aimes pas ça que Song te délaisse ? Buh, pauvre bébé chaton. Moi aussi je me sens délaissé. Depuis qu’il a vu cette petite jeune, c’est à peine s’il me regarde ! Allons nous complaindre de notre solitude loin d’eux, bébé chat. » Et c’est avec un faux air de dédain sur le visage et le chaton qui ronronnait entre ses bras que Jaehwa se leva pour filer à la cuisine. Une fois rendu à destination, il reposa la petite bête poilue et lui donna un peu de lait. Gardant la pinte de lait en main, il s’accroupit et gratouilla le dos du chaton qui buvait. À son tour, il porta la pinte à ses lèvres et but à grosses gorgées, profitant pleinement de ne pas entendre sa mère rappliquer que c’était dégoutant et vulgaire.

Son attention fut alors portée vers une boite dissimulée sous une table décorative dans le coin de la salle à manger. Pourtant, il était certain que toutes les boîtes avaient été rangées. Se relevant, il se rendit et sortit la boite fautive de sa cachette. En ouvrant le couvercle, il découvrit qu’elle était pleine de lettres. Déposant la pinte de lait sur la table et fronçant légèrement les sourcils il en saisit une pour découvrir son nom inscrite comme destinataire. Et l’adresse de la prison. Il la laissa tomber sur la table pour en sortir une autre, puis une autre et encore une autre. Elles lui étaient toutes destinées. Les doigts tremblants, pour une raison qui lui échappait d’ailleurs, il en ouvrit une au hasard et ses yeux parcoururent rapidement la lettre en superficie. C’était…une lettre…d’amour ?

Taeyeol reposa le chiot après avoir prouvé ses dires à sa manière pour finalement afficher le plus simple et heureux de ses sourires, content d'avoir trouvé un nom à ce nouvel animal qui allait faire partie de leur petite famille. Sans oublier que cette petite fille était dorénavant leur bébé puisqu'il y avait de fortes chances que c'était le plus proche d'un enfant qu'ils risquaient légalement d'avoir tous les deux. Enfin, le moment ne se prêtait pas tellement à orienter ses petites pensées dans cette direction et s'attarda plutôt sur la présence jalouse de son chaton qui réclama son attention auprès de la seule personne disponible dans l'appartement. Les propos de Jaehwa, qui s'adressaient au chaton, l'amusèrent au point facile de lui extirper un rire alors qu'il le suivit du regard lorsqu'il se leva pour gagner la cuisine. Taeyeol ne lui emboîta pas le pas dans l'immédiat, se contentant de détailler encore la nouvelle fourrure dont il allait devoir prendre grandement soin, se souvenant précisément qu'elle avait eu des problèmes de santé et qu'elle demanderait une certaine attention plus poussée que pour la coriace Yewa. Finalement, la chienne lui bailla au nez et il la déposa sur le divan, lui laissant le loisir de s'y coucher avant de se lever pour diriger ses pas vers la cuisine à son tour.

Toutefois, la première chose qu'il vit figea son sang dans ses veines. Il vit Jaehwa avec la boîte ouverte. Cette boîte que Song aurait dû cacher ou brûler. Elle lui était complètement sorti de la tête et il était trop tard pour éviter cette situation embarrassante dans laquelle Park avait tout le loisir de voir que l'aîné avait pensé à lui, souvent, tous les jours, constamment. Ses pommettes se teintèrent de rouge alors que sa capacité motrice lui revint et qu'il s'empressa d'aller retirer la lettre que Jae tenait entre ses mains pour se dépêcher de la remettre dans la boîte qu'il referma aussitôt. « Ce ne sont que des lettres... Je... » Tae évita son regard à tout prix, gêné que le cadet ait trouvé ce secret si féminin et quétaine. Il tint le carton contre lui et recula de quelques pas avant de lever les yeux vers celui qu'il aimait après quelques secondes. Ses dents se plantèrent dans sa lèvre inférieure alors qu'il posait la boîte sur la table, retirant le couvercle pour chercher parmi les enveloppes, essayant de mettre la main sur une en particulier qu'il trouva après en avoir regardé quelques-unes au hasard. Le plus vieux le décacheta de ses propres mains pour l'ouvrir et la parcourir des yeux, tentant de mettre le doigt sur la partie qu'il tenait à montrer à son cadet. Ou pas. Song savait que ça n'aiderait rien, que ça risquait tellement de faire tourner la situation à son désavantage et de faire du mal à Jaehwa, mais c'était mieux maintenant que jamais. Surtout que, pour une fois, le moment semblait bizarrement s'y prêter. Il n'aurait pas à prononcer les mots, il n'aurait qu'à les faire lire. Parce qu'il était un lâche, tout simplement.

Son regard trouva les lignes et il plia le papier de façon à les mettre en évidence, le reste du texte étant superflu, avant de prendre une longue respiration et posa ses yeux une nouvelle fois en direction du plus jeune. « J'imagine que si t'as trouvé la boîte, ça veut dire que je ne vais plus pouvoir te le cacher... Enfin, dis comme ça, ça sonne mélodramatique... Peu importe. Tiens, lis ces lignes... » À peine exécutait-il le geste pour lui tendre la lettre que son attention s'évada immédiatement des yeux foncés de Park. Il ne pouvait le regarder dans les yeux, pas après lui avoir menti et avoir tenté de gagner sa confiance à ce niveau. Ces lignes avaient quelques mois déjà, mais Taeyeol s'en souvenaient très bien pour les avoir penchées avec remords sur son geste, avec l'impression d'avoir trompé celui qu'il aimait alors qu'il avait rompu et n'était officiellement pas dans un tort quelconque.

«

[...] je dois absolument te dire un truc qui me tuera à petit feu si je ne le fais pas. sache d'abord que j'en suis désolé, vraiment. je pourrais ne pas te le dire et te garder dans l’ignorance, mais je considère que tu mérites la vérité puisque je ne t'ai jamais rien caché et que je ne désire pas débuter les cachotteries aujourd'hui... j'ai. j'ai couché avec haemin. une fois, juste une fois. ça c'est passé si soudainement, c'était si spontané et... en disant ça, j'ai l'impression de mal m'exprimer. je veux dire que.. c'était pas prévu. c'était pas supposé arrivé mais ça c'est fait. une fois, c'est tout. je te le jure et je suis désolé. je l'aime, oui ça c'est évident, mais pas comme je t'aime toi. ce n'est qu'un ami alors que ce n'est pas le cas pour toi. t'es bien plus que ça et je m'en veux de ne pas avoir le foutu courage

»

de venir te voir, de te le dire en face. je sais que je ne l'aurais jamais. c'est toi que j'aime et c'est ton retour que j'attends impatiemment...

Il s’apprêtait à lire une autre ligne que la lettre lui fut soudainement arraché des mains. Son regard se tourna aussitôt vers son petit-ami qui refermait la boîte en rougissant. Un large sourire se dessina sur les lèvres de Jaehwa alors qu’il rougissait légèrement, également. Son cœur battait légèrement plus fort dans sa cage thoracique, sous la joie et la surprise d’une telle découverte. « Que des lettres ? Mais enfin Taeyeol ! C’est bien plus que ça. C’est…c’est la preuve que tu pensais encore à moi. C’est la preuve que je suis stupide d’avoir douté de toi, de ton amour. Comment ai-je pu douter de ta fidélité ? Je suis idiot, vraiment. Et je suis tellement heureux d’avoir trouvé ces lettres… »

Ils auraient vraiment pu être heureux à partir de ce moment-là. Une partie de la jalousie, des incertitudes et de l’angoisse de Park s’étant éteintes avec la découverte de ces lettres, ils auraient pu recommencer à vivre. Ensemble, juste tous les deux. Comme avant, comme si rien n’avait changé. Jaehwa aurait pu redevenir celui qu’il avait été, accorder une confiance absolue et totale à son amoureux. Oui, ils auraient pu. Ils auraient pu si Song n’avait pas rouvert la boîte, cherché parmi les lettres et en avoir sorti une en particulier. Ils auraient pu si les yeux sombres du cadet n’avaient pas décelé cette hésitation à lui donner la lettre, cette façon inquiète de se mordre la lèvre. Ils auraient pu, mais maintenant ils ne pourraient jamais. Parce qu’avant même de lire les lignes fatidiques, Jaehwa savait.

C’est les yeux déjà humides qu’il parcourut les mots écrits de la main de son amant. Ces mots qu’ils redoutaient depuis tellement longtemps. Ces mots qu’il avait voulu ne jamais entendre, ou lire. Une goutte d’eau salée vint s’écraser sur la lettre, faisant baver l’encre bleue. « Je le savais. Je le savais depuis le début. Sale menteur. » Un souffle, un chuchotement brisé, affaibli par sa gorge nouée. Il ferma les yeux, laissant les sentiments le submerger plus fort, plus intensément que jamais. Il avait toujours su, mais il avait nié pour se protéger. Maintenant il ne pouvait plus y échapper : celui qu’il aimait avait connu quelqu’un d’autre. Un autre homme que lui, il avait goûté au plaisir alors que celui qu’il était supposé aimer crevait en prison. Pour la première fois de sa vie, Taeyeol le dégoutait. Il réalisait seulement maintenant que oui, le Jaehwa qu’il avait été était mort. Mais il réalisait également que le Taeyeol qu’il avait aimé n’avait en fait, jamais existé. Celui qu’il voyait maintenant n’était qu’un menteur, un infidèle, un lâche, un égoïste, un peureux, un irresponsable et un manipulateur. Oui, un manipulateur, et surement le pire qu’il n’ait jamais vu. Ses yeux s’ouvrir de nouveau pour scruter ce qui les entourait. Les meubles, la peinture, chaque recoin de ce foutu appartement. Cet appartement qu’il ne voulait pas dès le départ, cet appartement qu’il avait pris pour lui faire plaisir. Il lui avait dit qu’il trouvait ça trop tôt, mais non. Pour Song ce ne l’était pas. Il avait joué sur ces sentiments, il lui avait fait croire qu’il l’aimait. Il avait joué sur sa confiance. Il lui avait mentit. Son regard se fixa sur une photo d’eux, accroché au réfrigérateur. « Comment as-tu pu me regarder dans les yeux et me dire que tu n’avais pas couché avec lui, alors que je pleurais devant toi ? Comment as-tu pu me faire des reproches sur ma jalousie, fondée pourtant ? Comment peux-tu faire l’amour avec moi après avoir couché avec un autre ? Comment peux-tu me mentir avec une telle aisance, après tout ce qu’on a vécu ensemble ?! »

Pour la première fois de sa vie, le regard qu’il porta à Song n’avait aucune trace de tendresse, d’amour, de compassion ou de d’amitié. Il était froid, dur, blessé, dégoûté. Il le regardait comme jamais il n’avait regardé personne. Car personne, pas même son paternel, ne lui avait fait aussi mal. « Je te hait. Je te déteste m’entends-tu ? Jamais je ne vais te le pardonner. Jamais. Jamais.»

Puis son regard se porta sur le cou de son soi-disant amant. La chaîne qu’il lui avait offert plus de six ans auparavant. Leur premier cadeau de couple. « Comment oses-tu porter cette chaine alors qu’elle représente un gage d’amour que tu n’as jamais été capable d’honorer ?! » La colère. Elle était si sourde, si intense qu’il n’eut l’impression que d’effleurer la chaise qui les séparait que celle-ci s’étala avec fracas plusieurs mètres plus loin. Il n’eut pas l’impression de bouger que pourtant il était à présent nez à nez avec celui qu’il détestait, à présent. « Tu la portais durant que j’étais en prison ? Oh chéri, c’est presque mignon. Tu la portais aussi quand tu t’es envoyé en l’air avec ce taré, dis-moi ?! » Ses doigts glissèrent sur la chaine en or blanc. Cette chaine si délicate qu’il avait fait faire seulement pour lui. Il effleura le médaillon représentant un T et un J entrelacés. Une larme roula sur sa joue à nouveau alors que sa lèvre inférieure tremblait soudainement. « Ça ne valait rien pour toi. Alors pourquoi la porter ? Pourquoi continuer de me mentir comme ça !? » Un geste sec. Un geste et la chaine s’écrasait entre eux, sur le sol froid, cassée à jamais. Comme tout ce qu’ils avaient été.

Pourquoi lui avait-il donné cette lettre ? Ça ne servirait à rien d'autre que de le blesser inutilement. Depuis son retour, il lui avait lâchement caché cette vérité. Taeyeol aurait dû le lui annoncer dès que le sujet avait été levé la première fois, mais sa faiblesse flagrante n'avait pas réussi à le formuler. Il entendit les premiers mots dits par son cadet lorsqu'il prit connaissance de ce qui s'était passé et déjà, cette vilaine amie nommée culpabilité venait le ronger de l'intérieur. Il s'en voulait, il s'en voudrait toujours d'avoir franchi une ligne qu'il n'aurait pas dû traverser. D'avoir été cherché une source de plaisir externe même si, techniquement, on ne pouvait lui en tenir rigueur puisque lui et Jaehwa n'étaient pas en couple lorsque l'acte avait été commis. Pourtant, c'était tout comme. C'était la même impression que s'il l'avait volontairement trompé. En n'envoyant pas cette lettre à Park après l'avoir écrite, après avoir manqué de courage pour le faire, Taeyeol s'était simplement juré de ne jamais le dire, de ne jamais en parler. Pas à Jaehwa, pas même à Haemin. À personne. C'était un secret qu'il avait ardemment désiré taire au plus profond de lui-même, mais toute chose finie un jour ou l'autre par ce savoir. L'aîné le savait, tout le monde le savait. Un secret ne le demeure pas éternellement. En lui tendant ce papier, Tae s'était volontairement tiré dans le pied, bien conscient que les répercussions ne seraient pas silencieuses. Que Jaehwa ne laisserait pas couler sans rien dire, il le connaissait trop bien pour se prendre dans cette stupide illusion que de le croire une seule seconde. « Je suis désolé... » Son regard fuyait celui du plus jeune avec la plus grande des assiduités. Il ne pourrait pas le regarder dans les yeux sans sentir les remords lui nouer la gorge. Qu'il ait couché avec Haemin était une chose, qu'il n'ait pas eu le courage de l'affirmer lorsque Jaehwa l'avait demandé en était une autre. Son manque de colonne était lamentable, il en était conscient. « Je sais, j'aurais dû te le dire avant. Je suis désolé, vraiment... Je- » Je m'excuse ? À quoi bon répéter les mêmes mots encore et encore. À cet instant précis, le plus vieux se dégoûtait lui-même d'avoir eu le cran de mentir ouvertement à son cadet alors qu'il s'était promis de ne jamais le faire, à la base. Alors qu'il avait pu croire un moment qu'il s'en tirerait si facilement. Dans cette histoire, Taeyeol n'était pas blanc comme neige. En réalité, il était carrément noir de jais. Il y avait tant de choses qu'il aurait dû faire, remarquer, dire, écrire... Toutes ces attentions que Tae n'avait pas respectées alors que ç'aurait dû être son rôle. Sa lâcheté égoïste ne datait pas d'hier, mais bien d'il y a trois ans. Du jour où il avait rompu par écrit, de la façon la plus poltronne inimaginable. Il avait abandonné son cadet pour ensuite le faire souffrir. Tout ça, Song le savait trop bien. Pour ces raisons, chercher à affronter le regard de celui qu'il prétendait aimer lui était impossible.

En entendant parler de la chaîne que Taeyeol portait avec assiduité depuis tant d'années, ses doigts se portèrent automatiquement vers elle pour s'en éloigner rapidement dans un sursaut lorsque la chaise se fracassa contre le plancher. D'instinct, il eut un mouvement de recul, un seul pas vers l'arrière avant de lever les yeux vers le visage de son cadet dans un moment de panique. Il figea avant même de pouvoir avoir la moindre réaction, avant même de réaliser que la chaîne à son cou venait d'être brisée et lorsque l'information se rendit à son cerveau, l'aîné rebaissa immédiatement les yeux. Il la vit, par terre et détruite. Cette image à elle seule possédait un lot affligeant de significations, de réalisations douloureuses qui lui firent monter les larmes aux yeux à son tour. « Je t'aime, c'est pour ça que je n'ai jamais arrêté de la porter. » Toutes les autres lettres de la boîte pourraient en témoigner. Toutes, sans aucune exception. Il n'y en avait pas une seule où il ne répétait pas à quel point il tenait à lui, à quel point il l'aimait. Néanmoins, pas même le lot entier ne pourrait résoudre le fait que Taeyeol avait mal agi sur toute la ligne. Il aurait dû aller le voir là-bas, lui apporter son soutien. Les quelques lettres qu'il avait réussi à lui envoyer n'équivalaient pas une seule qui se trouvait dans le carton. Pour être aussi déloyale, Song s'en voudrait jusqu'à son dernier jour, mais ça ne changerait jamais rien. Ça ne changera jamais le fait que pas une seule fois il avait prouvé à Jaehwa qu'il l'aimait vraiment et sincèrement.

Le plus vieux renifla, désirant lutter contre sa faiblesse sentimentale mais c'était une chose inutile et contre laquelle il était vain de se battre. D'un geste rapide, Tae essuya ses joues déjà bien trempées avant de relever lentement la tête pour fixer son regard sur le haut que portait Jae, sans pour autant trouver le courage de remonter davantage. Sa lâcheté se dévoilait encore une fois. « Il n'y a pas que pour ça que je suis désolé... » Ses lèvres se pincèrent une seconde pour calmer un sanglot qui lui raclait la gorge. « J'aurais dû te le dire en face, oui. » Ses gestes gagnèrent contre lui et il baissa la tête à nouveau, se penchant un bref instant pour aller récupérer la chaîne par terre, la serrant entre ses doigts sans la lâcher du regard. « J'aurais aussi dû aller te voir. » Nul. C'est tout ce qu'il était. Toutes les insultes inimaginables de la terre, Taeyeol les méritait. « J'aurais dû te prouver que je t'aime. » Forçant le silence à nouveau pendant quelques brèves secondes, il fit rouler la chaîne entre ses doigts jusqu'à poser ses yeux sur les deux lettres que sa vue brouillée par les larmes lui permettait de voir, non sans une certaine difficulté. « Je suis le pire, désolé... Je ne te mérite pas, pas une seule seconde. » Sa dernière phrase glissa avec rapidité, mélangée avec le début du sanglot qui lui échappa alors que son attention ne pouvait se détacher de ce bijou.

Des excuses. Toujours ces excuses. Mais que valaient-elles, au fait ? Qu’est-ce qu’elles changeaient ? Qu’apportaient-elles à la situation ? Quels torts effaçaient-elles ? Rien. Rien du tout. Des mots vides de sens et d’émotion, de signification et d’impact. Comment de fois allait-il lui dire qu’il était désolé, cette fois ? Pensait-il vraiment qu’il lui pardonnerait avec des excuses lancées à l’aveuglette ? « Épargnes ta salive, tes excuses ne valent rien. C’est épatant quand même que pour mentir, tu me regarde droit dans les yeux, mais pour t’excuser par exemple t’es même pas capable de me regarder. Tu penses que je vais croire à ta sincérité ? Quand tu y mettras autant d’efforts que tes mensonges, on y repensera. » Pour sa part, Park fixait son ainé aussi intensément que lui tentait de l’éviter. Jusqu’à lui bruler la peau de sa haine et de son dégoût.

Lorsqu’il fit voler la chaise à travers la pièce, il croisa son reflet dans le miroir posé contre un mur. Une fraction de seconde seulement. Une fraction de seconde où il vit son père. Celui dont il avait si peur. Celui à qui il redoutait de ressembler. Et pourtant, à cet instant, il s’en fichait. Sa douleur était trop intense pour qu’il se calme, sa colère était trop bouillante pour qu’il la refoule à nouveau. La chaîne en or tomba mollement sur le sol. Son cœur se brisa à cette simple vue. La voir ainsi brisée le brisa lui-même. Pourtant il avait initié le geste. Son regard remonta rapidement cependant en entendant son amant lui dire qu’il l’aimait. Il…l’aimait ? La colère tambourinait si fort dans ses tempes qu’il avait l’impression qu’il perdrait conscience d’une minute à l’autre. Il plissa les yeux, son cœur explosa tout comme sa voix qui s’envola plus fort, trop fort, dure et brisée. « Tu m’aimes ? Tu me l’as montré quand, au juste, que tu m’aimais, hein ?! Quand tu m’as quitté ?! Quand tu as omis de me contacter ne serait-ce que pour mon anniversaire ou Noël ? Quand tu riais avec tes amis alors que je mourrais de chagrin ?! Quand tu couchais avec Haemin alors que je me faisais violer en prison?! Quelles sont tes preuves d’amour ?! Tes mensonges ?! Ton absence ?! Ton abandon ?! Ta lâcheté ?! Tu ne m’as jamais aimé ! Jamais ! » Il hurla ses derniers mots. Il hurla ses mots qu’il avait retenus durant trois ans. Puis les larmes recommencèrent à couler le long de ses joues et il se mordit la lèvre jusqu’au sang pour s’empêcher d’hurler encore plus fort. À ce rythme, il se ferait des ennemis parmi les voisins. « Tu ne sais même ce que c’est d’aimer. »

Oui, il aurait dû lui dire. Mais il aurait surtout dû s’abstenir de coucher avec un autre. Il aurait dû venir le voir. Il aurait dû. La liste était longue. Trop longue pour être dite à nouveau. Il l’écouta, dans un silence de sinistre. Il voyait ses larmes, pourtant elles ne lui faisaient rien. Il ne pleurait jamais autant qu’il avait pleuré, il ne souffrirait jamais le dixième de ce qu’il avait souffert. Il n’avait aucune pitié pour lui. Une autre chose nouvelle. Il méritait de pleurer, il méritait pleinement la culpabilité qu’il ressentait, si elle était réelle du moins. Taeyeol reprit le bijou cassé, chose qui irrita le plus jeune. « Le pire ? Non voyons Taeyeolie…. » Doucement, ses doigts se glissèrent sur le menton du plus vieux pour le forcer à le regarder. « Te qualifier de pire serait te donner beaucoup trop d’importance. ‘’Rien’’ est le mot que tu cherchais, n’est-ce pas ? Ça qualifie bien ce que tu as fait pour moi, ne trouves-tu pas ? Rien. Rien du tout. » Il relâcha son menton pour lui arracher le bijou des mains d’un geste sec. « Lâche cette foutue chaîne. Elle est brisée, ne le vois-tu pas ? Elle est dans le même état que notre couple. C’est fini. Jamais plus elle ne sera jolie, jamais plus elle ne sera solide, jamais plus elle ne sera en un seul morceau. » Et comme pour prouver ses dires, Jaehwa cassa le pendentif. Avec une facilité déconcertante d’ailleurs. Avait-il été aussi facile pour Song de casser les liens qui les unissaient ?

« Que faire maintenant avec ça hein ? Je suis confronté aux trois mêmes choix que toi, il y a trois ans. » Du bout du pied, il ouvrit le couvercle de la poubelle et balança la chaine au-dessus de celle-ci. « Je l’abandonne, là, au milieu des autres déchets ? » Sous ses yeux, il laissa tomber un petit morceau du bijou ; l’attache. Il reprit le mouvement, se dirigeant vers la grande fenêtre qu’il ouvrit. « Ou bien je le chasse de ma vue, bien loin, et je fais comme s’il n’existait pas ? » Ne conservant que le pendentif, il jeta la chaine dans la nuit noire et referma la fenêtre et il se retourna vers lui, jouant avec le dernier bout de chaine entre ses doigts. « Ou alors je conserve le morceau le plus important, je joue avec, je le manie selon mes humeurs, sans me soucier du fait que je l’abime toujours plus ? » Son regard trouva le sien. Son regard qui n’était plus froid mais bien triste et blessé. Pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il venait de lui résumer d’une façon imagée ce qu’il lui avait fait subir. L’attache étant leur amitié, la chaine leur couple et le pendentif son cœur, à lui. Comprenait-il maintenant à quel point ça faisait mal ? À quel point chaque étape avait brisée d’une façon irrécupérable leur relation ?

Glissant le bout du bijou dans ses poches il soupira longuement en fermant les yeux. Et c’est d’une voix lasse qu’il reprit la parole, en se laissant tomber sur une chaise –toujours sur pied- , près de son désormais ennemi. « Le pire là-dedans, c’est que les gens penseront que c’est de ma faute, que je suis dur, incompréhensif. Après tout, tu ne peux pas être pire que moi, selon eux. Tu n’as tué personne, toi. Tu n’as pas fait de prison, toi. Tu ne prenais pas de drogue, toi. Qu’est-ce que ça peut bien faire, un petit écart ? Une petite infidélité comparée à ça ? C’est triste, parce qu’aux yeux de tous je serai encore le méchant. Parce qu’eux, ils ne savent pas la différence entre toi et moi. Oui, j’ai tué quelqu’un. Une personne qui me détestait, depuis ma naissance. Toi tu as blessé quelqu’un qui t’aimais. Moi j’ai agi pour protéger ma famille. Toi quand le temps est venu de protéger, tu t’es enfuit. Moi, c’était un accident. Toi, bien qu’imprévu, c’était volontaire. Il n’y a donc que moi pour voir quel monstre d’égoïsme que tu es ? » Il ouvrit les yeux et le regarda longuement, ses larmes recommençant à couler. Il voulait une réponse. Il voulait des explications. Il voulait les mots qui pourraient tout changer.

Il y avait forcément un mécanisme de défense psychologique purement humain qui avait mené Taeyeol à se foutre dans d'aussi beaux draps, mais il ne saurait mettre le doigt dessus. Il ne saurait expliquer comment il avait fait pour enchaîner les erreurs sauf qu'il était également trop tard pour tenter de les expliquer. Song n'était pas doué pour réparer les pots cassés, pas une seule seconde, alors devoir le faire, là, maintenant, dans l'immédiat, était trop lui demander. Comme tout, en fait. Être un incapable particulièrement doué dans la lâcheté était la plus grande occupation de l'aîné depuis quelque temps, il fallait se rendre à l'évidence. Fuir lui avait semblé plus facile que d'affronter, or il est impossible de fuir constamment. Il était affublé d'un manque de courage si flagrant que malgré les mots de son cadet, Tae ne put trouver la force de lever le regard vers lui pour lui prouver qu'il n'était pas aussi misérable qu'il pouvait le croire. Sauf que c'était peine perdue, bien sûr. Autant son regard ne pouvait trouver la force de s'accrocher à celui de Jaehwa, autant il n'avait pas la capacité d'empêcher les larmes de couler d'elles-mêmes. Il détestait ce genre de situation : une scène de ménage. Ça lui paraissait insupportable pour une raison peu fondée puisqu'il n'avait vu ses parents se prendre la tête que deux fois et ce n'était pas des plus mouvementés.

Néanmoins, chaque parole ne manqua pas de se faire entendre très clairement à son oreille, tout comme il suivit du regard le moindre des gestes de son cadet, sans jamais céder à nouer son regard au sien. Il sentit le bijou quitter ses doigts malgré sa maigre tentative de le conserver et il observa, dans un silence peiné, Jaehwa briser le pendentif et jeter les morceaux. Ces métaphores étaient évidentes. Taeyeol était peut-être stupide, mais là encore il y avait des limites. Il y avait des évidences qu'il était apte à comprendre, à voir et à ne pas être capable de les digérer. Song n'avait pas vu les événements comme tentait de les dépeindre son cadet, loin de là. Son honneur était loin d'être intact dans cette histoire, mais après une courte réflexion : celle de Park non plus. Avant que Jae n'aille en prison, leur relation avait eu davantage un aspect amical malgré tout. Léger et simple, à un point tel où Tae avait souvent eu l'impression de donner plus que de recevoir. Certes, son cadet lui avait offert tout son temps libre quand il n'avait pas été pris par les devoirs et les études, mais en dehors de ça ? Autrefois, Park sortait souvent, se droguait également quand l'occasion se présentait et était loin d'être un exemple d'affection.

Reniflant en venant passer la manche de son haut sous son nez, Taeyeol eut enfin le courage de lever ses yeux rougit dans la direction de Jaehwa pour croiser ses yeux foncés qu'il aimait tant. « J'en ai rien à foutre de ce que penseront les autres, vraiment, c'est pas ça le point Jae. » Il cligna des yeux, tentant de chasser les larmes qui continuaient de venir s'y glisser. « Je suis égoïste, un monstre. Selon toi j'ai tout fait mal, mais dis-moi... Avant d'être arrêté, est-ce que tu m'as déjà réellement prouvé que tu m'aimais autrement que dans un lit ? Est-ce que tu as simplement déjà écouté mes demandes ? Tu savais à quel point je détestais que tu te gèles la gueule et pourtant, tu le faisais quand même. J'ai rien dis, je t'ai laissé faire. J'ai laissé tomber parce que je t'aimais et qu'on ne change pas ceux qu'on aime. » Taeyeol s'arrêta là parce qu'il lui paraissait si inutile de ramener le passé. Ce qui était derrière eux ne pourraient être changé, à quoi bon déterrer tout ça, au fond ? Un soupire lui échappa, mélangé avec un sanglot d'émotion dû à la situation déboussolante dans laquelle il se trouvait. « M'enfin. À quoi bon reparler de tout ça. Tout ce qui t'intéresse c'est ce que moi j'ai mal fait. Même si je m'excuse, tu ne veux rien entendre. Je suis vraiment désolé, je ne penserai jamais autrement, mais tu ne veux pas me croire. Haemin n'est qu'un ami, je voulais aller te voir mais je suis une poule mouillée et je n'ai jamais, ô grand jamais, désiré te manipuler. Crois-tu, sincèrement, que je serais capable de jouer volontairement avec des sentiments ? Les tiens, en plus ? Ce que je fais, je le fais parce que je t'aime et je suis désolé si, encore une fois, ça n'est pas à ton goût et que je fais tout de travers. » Song leva le regard quelques secondes, brisant le contact visuel pour renifler une nouvelle fois en venant essuyer ses joues sur lesquelles ses larmes continuaient de glisser avec témérité.

« C’est sûr que tu en as rien à foutre, ce n’est pas toi qui vit le jugement des autres. C’est moi qui décoche les regards haineux ou de pitié. C’est de moi qu’on parle en termes peu élogieux. Toi tu restes sur ton petit nuage aux yeux de tous, comme d’habitude.» Leurs regards se croisaient enfin. Était-ce vraiment pour le mieux ? Maintenant que Song osait affronter son regard, il ne savait plus si lui en avait le courage. Il se sentait si faible, si misérable que ça lui donnait la nausée. Lorsque Taeyeol prit la parole, Jaehwa ne l’interrompit pas jusqu’à la fin de sa tirade. Même si, à plusieurs reprises, il en aurait eu envie. Il ne le fit pas parce qu’il n’en avait pas la force. Sa gorge se noua tellement que ça lui fit presque mal. Il rompit le contact visuel pour enfouir son visage dans ses mains alors que cette fois, pour de bon, il éclatait en sanglots.

Cinq, dix et peut-être même quinze minutes s’en suivirent ainsi. Il pleurait, à chaudes larmes, son corps en étant secoué de la tête aux pieds. Il avait mal. Il était en colère. Il ne comprenait pas. Pourquoi tout ça arrivait. Pourquoi ils en étaient là. Pourquoi ils ne s’aimaient plus comme avant. Pourquoi rien n’était facile soudainement. Pourquoi il devait toujours être celui qui souffrait. Pourquoi il n’arrivait plus à lui pardonner, pourquoi il n’arrivait plus à l’aimer autant que la veille. Pourquoi il n’arrivait pas à le croire, pourquoi il n’arrivait pas à tout oublier. Pourquoi il était si jaloux, pourquoi il ne pouvait pas supporter l’idée de le partager. Pourquoi il avait si peur. Pourquoi il avait si mal. Pourquoi Tae l’avait abandonné. Pourquoi il se sentait coupable. « J’étais là…pour toi….à chaque fois que tu étais libre, j’étais là. Je…n’étais pas le…plus...romantique…mais j’étais là. Je t’ai toujours écouté. Je…je faisais beaucoup d’efforts pour être toujours sobre….en ta présence…parce que tu me l’avais….demandé…et que je voulais rester présent à chaque seconde….pour toi…Je t’ai donné tout ce que…j’avais…Taeyeol. Je…comment voulais tu que…je sois….affectueux…alors que je ne recevais…que des coups…et des cris comme éducation ? Je…je faisais …mon possible…pour m’améliorer chaque jour…et…et…j'étais nul....c’est pour ça que tu m’as abandonné…n’est-ce pas ? Je….tout est de ma faute…je ne méritais pas que tu viennes…je..» Il ne pouvait plus continuer. Ça avait été difficile de dire tout ça, déjà. Les sanglots et le manque d’air avait rendu la chose plus que laborieuse. Il se dévalorisait. Encore. Maintenant il remmenait tout sur sa faute, alors que ce n’était pas sienne. Il faisait toujours ça, du temps de son père, pour pouvoir pardonner. Pour pouvoir oublier. Mais avait-il déjà oublié réellement ? Non, jamais. Et il ne faisait qu’empirer la situation car en mettant tout le blâme sur lui, il en venait à se détester lui-même.

Il avait froid, il tremblait violemment, chaque doigt lui picotait. Sa tête tournait dangereusement, son corps battait trop vite, trop fort. Le souffle lui manquait de plus en plus. Une crise d’angoisse. C’est ce que le médecin de la prison avait dit à sa mère lorsqu’elle l’avait trouvé dans le même état lors d’une visite. Il avait trop peur, trop de chagrin et trop de rancœur accumulés. Il ne savait pas comment gérer tout ça et voilà que son corps le lâchait aussi, à présent. « Je ne veux plus…être là. Je ne veux plus…souffrir...et… faire souffrir les gens… je voulais…disparaitre Aey…pour te laisser en paix…..pour laisser en paix ma famille….je…je suis une nuisance…et…je fais mal aux autres…le…Jaehwa d’avant…est…est mort…depuis trois ans…je ne veux…pas….continuer….de vivre…comme ça…j’étais si près du but…si près…» Il ne fallait pas être brillant pour comprendre. Il avait essayé de se suicider, oui. Pas pour échapper à ses problèmes, par pour arrêter de souffrir, non, loin de là. Simplement pour délivrer les autres. Il voyait bien la douleur dans les yeux de sa mère et de ses sœurs, il voyait bien maintenant le fardeau qu’il représentait pour celui qu’il aimait. Il frottait nerveusement son tatou au poignet droit, et ça non plus il ne fallait pas être brillant pour comprendre la raison expliquant ces tatous si soudains, alors que Park n’avait jamais aimé ce genre de signes.

Remontant ses jambes sur la chaise, il serra ses genoux contre son buste en enfouissant son visage dans ses bras. Il se refermait. Complètement. Il s’abritait dans cette bulle opaque qu’il avait créé depuis son enfance, cette bulle où rien ne pouvait l’attendre, ni le malheur, ni le bonheur. Ses tremblements et ses larmes ne se calmèrent pas. Ils s’intensifièrent même, si la chose était possible. Un enfant. Un enfant qui avait peur, un enfant qui avait mal, qui redoutait le pire. Voilà ce à quoi il ressemblait. « Va-t’en….vas te coucher…laisses-moi tranquille Aey…» Il ne voulait pas qu’il le voit comme ça. Il ne voulait pas se montrer si faible et vulnérable. Il ne voulait pas qu’il entre dans sa bulle. Il ne voulait pas qu’il voit sa souffrance. Il ne voulait pas qu’il sache son secret qu’il venait de lui avouer, il ne voulait pas qu’il lui dise encore des reproches. Il voulait disparaitre, tout simplement.

Il pataugeait dans de beaux draps, il en était pleinement conscient. Or, sa bêtise était tout simplement plus grande que sa capacité à réfléchir adéquatement deux secondes, lui octroyant le loisir de dire un peu n'importe quoi. D'un autre côté, il s'agissait uniquement d'un mécanisme de défense purement humain, mais qui aurait dû être laissé de côté pour une fois, soigneusement rangé au placard. À quoi bon pointer les détails qui l'avait chiffonné dans leur adolescence ? À quoi bon revenir là-dessus ? Ça ne changerait rien, ça ne ferait que causer du tort à son cadet qu'il savait bien intentionné. Ce n'était pas comme si Song avait déjà sérieusement douté de l'amour de Jaehwa, après tout. Les sanglots du plus jeune ne pouvaient que venir renforcer cette preuve alors que lui cherchait toujours à lutter contre ses émotions, chose qui lui était peu commune il fallait bien l'admettre. Tae ne s'était jamais empêché d'exprimer le moindre sentiment féminin sous les yeux de Jae, à quoi bon tenter de commencer aujourd'hui ? Les larmes coulaient d'elles-mêmes depuis le début, les reniflements venant démontrer d'une partie de sa tristesse, mais la réelle partie qui fut atteinte en lui fut ce côté maternel. Ce besoin de prendre soin d'autrui, de s'occuper de ses proches, de les rassurer et de les aimer. L'aîné ne pouvait pas fermer les yeux sur l'état de son cadet, bien au contraire, ça le torturait parce qu'il en était l'origine. Être la source d'un problème ne lui était pas familier et ce n'était pas une situation dans laquelle il aimait être puisqu'il ignorait comment agir. En temps normal, Taeyeol aurait tout fait pour l'apaiser parce qu'il n'aimait pas voir les autres pleurer, mais était-ce la bonne chose à faire ? Il n'en savait rien et s'en tordit les doigts avec culpabilité, reniflant une nouvelle fois alors que Park terminait un nouveau flot de paroles.

Chaque tremblement n'échappa pas à son intention, chaque frisson, chaque geste, chaque larme. Il ne dit rien pendant un moment, tournant ses idées encore et encore avant d'ouvrir sa grande bouche et éviter un énième faux-pas. Il ne devait pas. Faire attention à ses mots ne pourrait que l'aider et il devait s'y mettre dès maintenant, même s'il était déjà un peu tard pour y songer. L'aîné reconnut la position enfantine de protection qui représentait une régression pure et simple, soit un mécanisme de défense psychologique qu'il avait déjà vu passer dans les bouquins de sa mère. Il était absolument hors de question qu'il abandonne Jaehwa dans cet état pour aller se coucher. De toute façon, jamais il ne pourrait trouver le sommeil en le sachant exactement ainsi, en ayant eu la preuve visuelle claire. Rapidement, Taeyeol essuya son visage de la moindre trace d'eau, ayant réussi à reprendre un certain contrôle sur sa personne grâce à son comportement souvent trop maternel et ramena une chaise près de la sienne pour s'y asseoir. « Eh... Tu n'es pas un fardeau, tu ne le seras jamais... Du moins, pas pour moi et tu le sais bien, au fond. » Malgré son brûlant désir de le réconforter, il hésita un moment avant de simplement passer une main contre le dos de Park. « Excuse-moi, j'ai encore parlé trop vite, je ne voulais pas dire ça comme ça. Et je ne peux pas changer le passé, sinon je le ferais sans hésiter une seule seconde, crois-moi. Sauf que, je peux te promettre de ne plus jamais te laisser tomber. » Song pinça les lèvres quelques secondes, venant poser sa main contre l'épaule de Jae, ne lâchant pas son visage de profil de vue un seul instant. « Et... et je suis conscient que pour le moment tu ne croiras pas un mot de ce que je suis en train de te dire, mais je t'aime et je ne te le dirais jamais assez... Tu es tout pour moi, d'une certaine façon, et c'est ça que j'aimerais que tu comprennes... Je ne te fais pas de reproches, je voudrais juste que tu me croies... Je te promets que je ne te cache plus rien : tu peux me demander n'importe quoi, tu sauras la vérité immédiatement. » Taeyeol avait la malheureuse impression de ne pas savoir sur quel pied danser et, franchement, ce n'était pas quelque chose qui lui faisait particulièrement plaisir. Il aurait aimé savoir comment faire pour le réconforter en quelques secondes, comme il y parvenait toujours avec tout le monde, mais le facteur majeur qu'il représentait dans tout ceci venait lui mettre un bâton dans les roues.

Il avait tellement honte de se montrer ainsi devant celui qu’il aimait. Même enfant, il s’était toujours caché pour vivre de tels moments de faiblesse. Dans sa chambre, dans un placard, sous un arbre : n’importe où était une bonne cachette pour vivre sa douleur dans le plus total anonymat. Aux yeux de tous, surtout ceux de Song, Park avait toujours fait en sorte de paraître comme un jeune garçon débordant de joie et d’énergie. Adolescent, il avait fait en sorte d’être cool et fort. Mais ce n’était que de l’apparence. Au fond, il avait peur. Peur de son père, peur pour sa mère et ses sœurs. Maintenant, tous ces efforts pour épargner le petit cœur de mère de Taeyeol étaient totalement anéantis. Il le voyait sous cette facette qu’il lui avait cachée. Sous cette sensibilité, sous cette faiblesse qui l’horripilait lui-même. Il se détestait, et il en voulait à Taeyeol de rester là et d’être compréhensif, d’être fort près de lui alors que lui n’était rien. Il lui en voulait de lui toucher alors qu’il voulait qu’il s’en aille. Il lui en voulait de maitriser ses émotions, il lui en voulait d’être gentil avec lui alors qu’il lui avait joué dans le dos. Il lui en voulait d’être si aimable et de lui rendre la tâche difficile en ce qui concernait de le détester. Il lui en voulait également de ne pas le prendre dans ses bras. Il lui en voulait de ne pas trouver les mots qui arrangeraient tout. Mais au fond, il savait qu’ils n’existaient pas.

Dire que les mots de Taeyeol ne lui faisaient rien aurait été mentir. Ils lui firent un petit pincement au cœur et le poussèrent à relever légèrement la tête pour le regarder, son visage rougit et inondé par les larmes. D’un geste lent, il essuya ses joues, geste qui ne servait pas à grand-chose, mais bon. Lentement, il posa sa main sur celle de Tae qui était posée sur son épaule et chercha en son contact le courage de prendre la parole. La tête toujours tournée vers son ainé, il dut lutter pour ne pas baisser le regard. Mais il maintint le contact visuel alors que sa voix s’élevait, rauque et brisée. « Je sais … que tu penses ce que tu dis. Je sais … que tes excuses sont sincères … Mais … ce n’est pas suffisant Aey. Je t’aime … plus que tout au monde. Je t’aime tellement que ça me fait mal tu sais … » Il prit une pause en reniflant légèrement. Il aurait voulu lui pardonner, mais il n’y arrivait pas. Il aurait voulu passer l’éponge, mais cette fois c’était impossible. Il aurait voulu lui accorder sa confiance, mais il l’avait définitivement perdue. « Mais … l’amour n’est pas toujours suffisant et … je ne peux pas te faire confiance. J’aimerais tu sais, mais je ne peux plus et j’espère que tu comprends pourquoi. Que tu aies couché avec lui est une chose, que tu m’aies mentit en est une autre. Et les deux combinées ont achevé le peu de confiance qui me restait. Je ne peux pas le rayer de ta vie, j’en suis conscient et je le comprends. Mais tu dois comprendre toi aussi que désormais, te savoir avec lui me fera mal. Vous savoir ensemble loin de mes yeux me sera insupportable et tu dois essayer de te mettre à ma place Taeyeol. Je n’ai pas confiance en toi, j’ai bien vu avec quelle facilité tu peux me mentir. Je t’aime, c’est vrai …. Mais l’amour sans confiance n’est que malheur et destruction. Alors… alors … » Une larme glissa le long de sa joue alors que sa lèvre inférieure se remettait à trembler. Il n’aurait jamais cru devoir en arriver là. Il n’aurait jamais cru qu’il pourrait faire ça. Mais il le devait. Car la jalousie le rendrait malheureux, mais rendrait Song tout autant malheureux et ça, il ne pouvait pas le supporter. « Alors je ne crois pas … qu’on puisse être … un couple désormais. Pardonnes-moi Aey … mais je ne peux pas être celui que tu espères. Peut-être que Haemin pourra l’être, qui sait ? » Un faible sourire triste vint se glisser entre ses larmes. Ce n’était pas une attaque, seulement une constatation.

Lentement, il se releva et posa un tout dernier baiser sur le front de son désormais, ex petit-ami et sortit de la pièce. Il récupéra la petite boule blanche qui dormait sur le sofa et alla s’enfermer dans leur chambre à double tour. Alors que les larmes recommençaient à couler sur ses joues, il en vint à se demander s’il était possible de se vider de son eau vital par les larmes.