Park Hyeong Jun & Cheong Twen-Ch'ang

Aujourd’hui était un jour particulier. C’était le jour de l’anniversaire de Chang. Je m’étais donc levé très tôt pour aller lui trouver le meilleur cadeau qui soit. J’avais un sourire niais sur les lèvres. Je n’avais rien dit à mon père. Je ne lui disais plus grand-chose aussi. Je n’arrivais pas à l’aimer et lui non plus d’ailleurs. Passons. J’avais pris mes affaires et m’étais rendu au centre commercial. Je faisais le tour de tous les magasins mais je dois avouer que je ne savais pas du tout quoi lui prendre. Un bijou ? Un vêtement ?.... J’avais beau le connaître, je n’avais jamais vraiment su ce qu’il aimait. A part les pandas… Et puis je ne voulais pas me tromper pour éviter de me faire rembarrer une énième fois. Aujourd’hui je n’avais pas envie de me faire repousser. J’avais envie qu’en ce jour si spécial, tout soit parfait. Pas question qu’il soit de sale humeur. Parce que c’est parce qu’il est souvent de mauvaise humeur qu’il me repousse… non ? Je le crois en tout cas.

Le sourire toujours sur les lèvres, finalement j’arrivais devant un magasin vendant un peu de tout dont des peluches. J’y entrais. Sans être convaincu de pouvoir trouver quoi que ce soit qui lui plaise là-dedans. Mais moi, j’aime les trucs mignons. Alors un magasin de peluche suffit pour me mettre des étoiles dans les yeux. Et là. Je tombais nez à nez avec elle. Elle était là, imposante. Très grande. Presque de taille humaine quoi. Un panda se trouva là devant moi, ses petits yeux noirs, son pelage blanc et noir. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir le reflet de Chang. Je clignais des yeux et je secouais ma tête pour en chasser la vision. Voilà que je devenais fou. Mais… Allait-il vraiment l’aimer ? J’imaginais alors Chang avec la peluche… De nouveau je secouais la tête. Yayayayah…. Je pensais quoi là… hu ?

Et bien finalement je sortis du magasin avec cette énorme peluche dans les bras. J’étais content de moi. J’étais sûr que ça allait lui plaire. Enfin. Non. Pour être plus exact, j’espérais que ça allait lui plaire. Il n’est tellement pas du genre à afficher ses sentiments. Dur de le faire sourire vous savez ? Pourtant y’a des jours où j’y arrive ! En tout cas, c’est les bras chargé de cette peluche que je rentrais chez moi. J’allais la mettre dans ma chambre et puis je restais un petit moment debout devant elle, en me demandant comment j’allais pouvoir la lui donner. Je ne pouvais pas me permettre d’aller chez lui, ses parents ne me laisseraient même pas entrer. Je fis une moue. Peut-être qu’au fond je n’avais pas eu une bonne idée en l’achetant ? Peut-être que j’pourrais jamais la lui donner ? Allez faire passer une grosse peluche par une fenêtre vous ! J’allais me faire griller direct !!!

Lui envoyer un sms ? J’avais peur de le déranger. Et puis ça pourrait aussi détruire la surprise… Dur dilemme. Je finis par m’étaler sur mon lit en soupirant. L’inviter chez moi ? Ses parents sauront que c’est chez moi qu’il irait. Donc il se fera incendier. Je n’avais pas envie de lui attirer des ennuis en vérité. Je poussais de nouveau un soupir. Finalement je descendis dans le salon et me mis à regarder la télé. Au bout d’une heure je finis allongé sur le canapé zappant et zappant de nouveau. J’avais la tête ailleurs. Je fis une moue en pensant au simple fait que je voulais voir Chang. Que devais-je faire ? Lui dire de venir, qu’une surprise l’attendais ? Et puis zut je me posais trop de question. Si ça se trouve il le fêtait avec sa famille en ce moment même !

J’allais finir par m’assoupir quand on sonna. Je sursautais et manqua de me rétamer sur le tapis au pied du canapé. Je me levais et fronça les sourcils. C’était qui ? C’était la fin de l’après-midi en plus… Je me demandais qui ça pouvait être. En plus je n’avais pas commandé de pizzas. Je trainais mes pieds vers le hall d’entrée et j’ouvris la porte. Et je vous jure que mon cœur rata un battement quand mes yeux virent qui se tenait devant moi.

Il était là. Chang était là.

J’avais écarquillé les yeux de surprise. Jamais je ne m’étais attendu à ce que… La solution à mon problème vienne d’elle-même. Mes yeux fixaient les siens. Son regard me donnait encore ces frissons. « Ch-Chang ! » J’eus un large sourire, tellement j’étais content de le voir. J’ouvris plus largement la porte et le laissa entrer. « Entre ! Ne reste pas dehors ! » Je refermais ensuite la porte et puis le laissa faire comme chez lui.

Jamais je n’aurais cru que Chang viendrait chez moi. Et encore moins le jour de son anniversaire. J’étais heureux certes mais aussi surpris. En plus j’avais bien remarqué son sac. Il me semblait un peu trop gros pour une simple sortie le soir. Non. Le problème n’est décidément pas la taille mais le fait qu’il ait pris un sac. Il s’était déchaussé et était entré dans le salon. La télé parlait toute seule et emplissait le vide qui s’était installé. Le sac étant resté dans l’entrée, j’hésitais à le toucher pour demander à Chang ce qu’il y avait dedans. Alors je fixais un moment l’objet, les sourcils légèrement froncés mais je finis par le rejoindre dans le salon.

« Excuse-moi de débarquer à l’improviste. Je ne te dérange pas au moins ? » S’excusa-t-il. Je lui adressais de nouveau un sourire. « Tu ne me déranges pas du tout ! Je suis tout seul ce soir. »J’avançais vers la table basse, pris la télécommande et coupa la télé. « Mon père est parti ce matin. Je ne sais pas quand il va rentrer. Et j’m’en fiche un peu j’avoue… » Je jetai la télécommande sur le canapé et me tournais de nouveau vers lui, souriant encore. « Tu veux boire quelque chose ? » lui demandais-je en me dirigeant vers la cuisine. Je mourrais d’envie de savoir ce qu’il faisait avec ce sac… Mais peut-être qu’il ne voudra jamais me le dire… Aiiiish !!! Je me frottais énergiquement la tête. Avant de me tourner de nouveau vers lui. « Hum… Tu… » Je me pinçais la lèvre. AAAAAAAAH !! Pourquoi je ne pouvais pas lui demander HEIN ? … Parce que je sentais qu’il était sur les nerfs ?.... « …Tu veux boire quoi ? J’ai du jus d’orange, du lait… du coca aussi… » J’avais encore évité la question qui tue. Il valait mieux je pense…

Et puis je décidais que je n’allais pas lui poser de question. Alors je le fis assoir et lui donna ce qu’il m’avait demandé avant de m’installer devant lui. Tout souriant. «J’avais pensé à venir te voir tu sais… » léger rire. Et là, je me rappelais soudain de ce qu’il y avait dans ma chambre. « AH ! » Sourire cachant un petit secret. « Attends là. Je reviens. » Héhé… il allait mourir heureux je parie. Je quittais ma chaise et courut à l’étage. Je récupérais la peluche. Et je redescendis avec. Mais je m’arrêtais et cachais la peluche dans un coin à côté de la cuisine. Je retournais vers Chang. « Yah. Tu peux fermer les yeux ? yah… S’il te plait… Ferme-les yeux. Allez ! Sinon ça ne s’ra pas drôle… » J’eus une petite moue.

Je m’assurais qu’il les avait bien fermés avant de revenir dans la cuisine, la peluche me dissimulant totalement. « Tu peux les ouvrir. » Je penchais la tête sur le côté, la faisant apparaître à côté de celle du panda et lui souriant « Happy birthday ! » S’il m’envoyait la peluche à la tête, je serais le plus triste de tous les hommes ! Je priais pour qu’il aime le cadeau. Enfin… peut être qu’il en avait reçu un bien mieux de la part de ses parents qui sait. Mais je trouvais qu'elle et lui allait si bien ensemble ! Il ne pouvait pas ne pas aimer !

Si je m’étais attendu à ce que Chang vienne à la maison… J’avais du mal à y croire, mais pourtant c’était le cas. Je ne comprenais pas vraiment la présence du sac, mais je n’osais pas du tout poser des questions vis-à-vis de cet objet, parce qu’au fond… Il était là et c’était amplement suffisant. Même si je savais que ses parents n’apprécieraient pas du tout de le savoir chez moi. Mon père non plus d’ailleurs. Si vous saviez. Ou plutôt, si les parents de Chang savaient combien ce… Soit disant père me faisait honte... Mais ça, ils ne le sauront jamais. J’avais hâte que d’une chose : le virer de la compagnie et tout reconstruire dessus. En plus beau.

Il s’était excusé d’être venu chez moi sans prévenir. Il ne savait pas combien il n’avait pas besoin de s’excuser pour ça. Il pourrait me refaire une même surprise, je l’accueillerais toujours avec le sourire, parce que j’aime être avec lui. Je le rassurai un peu et il m’adressa un sourire. Mah ! Vous pouvez le dire ! J’suis gaga de ce panda-là. Un sourire de sa part, même tout petit soit-il me fait terriblement plaisir. J’en mourrais presque. Tout en évitant la question qui ne cessait de me brûler les lèvres, je lui demandais ce qu’il voulait boire. Un jus d’orange ? Ok. J’allais lui chercher son verre et je revins dans le salon pour le lui apporter.

M’asseyant face à lui, je lui avouais que j’avais hésité à venir chez lui. «Tu voulais venir me voir le jour de mon anniversaire..., tu aurais eu des difficultés à passer inaperçu. » Je fis une moue. « Tsch… Genre je serais passé par la porte d’entrée…. J’aurais grimpé à la fenêtre juste pour pouvoir atterrir dans ta chambre…. Et j’aurais été si discret que personne ne m’aurait remarqué. » Quoique… Si j’étais allé chez lui avec la grosse peluche… Aiiish… Oh tiens d’ailleurs en parlant d’elle, j’abandonnais à nouveau Chang pour aller la chercher. Décidément aujourd’hui je ne faisais que courir partout dans la maison. Mais là c’était pour la bonne cause. Une fois revenu, je lui demandais de fermer les yeux et je lui présentais alors la peluche en lui souhaitant un joyeux anniversaire. Il eut l’air assez surpris mais heureux. Ah j’avais bien choisis alors… « Où as-tu pu bien trouver ça ? Tu te rends compte qu'il est énorme ? » J’haussais les épaules. Quoi ? Elle était bien cette peluche… « Aussi grand que toi oui. Yaah… Tu ne trouves pas qu’il te ressemble ? » Une seconde de pause « Un peu ? » Une autre seconde « Non ? » J’eus un léger rire. « Merci beaucoup ! » J’eus un sourire attendrissant envers lui. « Ne me remercie pas va, c’est ton anniversaire. » Petite moue « J’pourrais t’offrir tout un tas de truc juste aujourd’hui si je le pouvais… »

J’étais heureux d’avoir réussi à lui faire plaisir. Je le trouvais mignon à observer le panda comme il le faisait. Si mignon que je ne pus m’empêcher de me glisser derrière lui, de passer mes bras autour de sa taille et de lui faire un calin comme ça, tel un gosse tout content d’avoir rendu son grand frère le plus heureux des hommes. « Aah ! J’suis content qu’elle te plaise autant. » Attendez. Une minute. Une seconde.

Je le tenais dans mes bras là.

Mon sourire devint un sourire crispé. Et mes doigts serrèrent un peu le haut de Chang. Pitié…. Dieu…. Faites qu’il ne me rejette pas…. Encore une fois… Je détestais ça. Ca finissait toujours par me faire mal. Physiquement ou moralement d’ailleurs. Alors je priais très très fort.

Parce qu’en plus j’avais osé faire ça le jour de son anniversaire.

Mais pourquoi je ne me décroche pas aussi HEIN ?! Tendu, crispé, c’est ce que je fis. Comme si… Comme si j’avais peur qu’il me pousse très fort et que je finisse par terre. Mais… Ca ne voulait pas dire qu’il n’allait pas… Être énervé contre moi…

Plus je regardais l’évolution de notre relation, plus je trouvais que l’on était devenu proche au point de pouvoir faire les pires bêtises du monde. Qu’est-ce qu’on a ri le jour où j’avais dû me planquer dans l’armoire avant de prendre la poudre d’escampette par la fenêtre ! Et je vivais les meilleurs moments de ma vie avec lui. J’aurais pu vraiment finir tout seul. Mais je détestais cette sensation. Elle… me terrifiait. J’étais certes un bon acteur, mais je ne jouais pas du tout avec Chang. J’étais très sincère et honnête avec lui. Mon sourire n’était jamais faux. Et puis à force il savait quand je souriais vraiment et quand c’est un faux. Je ne peux pas lui mentir, je n’en ai d’ailleurs pas l’envie.

Mais il semblerait que je sois vraiment trop honnête avec lui. Que je devrais moins exprimer mes sentiments. Cependant… Malgré tous les efforts que je faisais, je n’arrivais pas à me retenir à lui apporter une marque d’affection. C’était impulsif. Et même plus fort que moi. Alors, il y a bien une chose qui m’intrigue. Certes nous ne sommes qu’amis, mais… il déteste vraiment qu’on le touche à ce point ? Au point que même un câlin ne lui fasse pas plaisir. A chaque fois qu’il me faisait ce genre de réaction, cela me faisait toujours mal. Mais je lui pardonnais. Parce qu’au fond, il ne sait pas de quelle manière je l’aime. Je n’ai jamais pu lui dire. En même temps, j’ai peur qu’il me repousse de la même manière. Qu’il me rejette. Définitivement.

Mais pourquoi avait-il fallu que je le prenne dans mes bras le jour de son anniversaire ? Pourquoi j’avais toujours tendance à venir gâcher des moments pareils avec un simple geste trop… Je poussais un soupir. Comme prévu il s’était dégagé de mes bras. Et moi je m’en voulais. Je me traitais d’idiot dans ma tête. Mais ce qui me faisait le plus mal dans tout ça, c’est qu’il trouvait toujours le moyen de dire des choses… blessantes. Comme si mon geste était une sorte de… Grave erreur à ne jamais refaire. Et c’était ça qui me blessait le plus.

« Je peux savoir ce que tu essayes de faire, Hyeong Jun ? » Mon cœur battait très vite et très fort. Que voulait-il que je lui réponde. J’avais peine à maintenir mon regard vers lui. Le sien me glaçait déjà. Mais cette question avait une consonance étrange. Comme si mon geste devait forcément cacher une mauvaise intention. J’étais profondément blessé. Et alors que la plupart du temps j’arrivais à encaisser, cette remarque effaça le sourire que j’avais l’habitude de porter, même quand il réagissait mal.« Écoute…, tes intentions sont vraiment très gentilles, mais… ça… » Ajouta-t-il moins méchamment. J’attendis la suite. Elle ne vint pas. L’air vraiment blessé, je levais enfin les yeux vers lui : « Ca quoi ? » Je soupirais « Yah… Si elles sont gentilles à tes yeux… Ne les tourne pas après comme des gestes… Malveillants…»

Et après ? Il me sortit des choses sans queue ni tête, comme si mon geste signifiait que je voulais qu’il s’en aille :« Je suis désolé…, je sais que je n’aurai pas dû venir, je n’ai rien à faire ici, mais… Tu connais mes parents, en fait, je me suis enfui de chez moi et je ne sais jamais où aller quand je me retrouve dehors. Tu es le seul assez proche de moi pour comprendre ce que je vis et tout ça… En tout cas, je te remercie vraiment pour ce cadeau. » Il s’était enfui de la maison ? Ca expliquait alors la présence du sac. Mais… Pourquoi il me disait ça comme ça, comme si je n’avais pas envie qu’il reste ? Il m’énervait aussi à agir comme ça. Je fermais un peu les yeux pour me calmer. Je savais que j’étais le seul assez proche de lui capable de lui offrir un toit s’il s’échappait de chez lui. Je l’entendis s’éloigner vers l’entrée. J’ouvris les yeux et me précipitait vers celle-ci. Je pris son sac, ses chaussures et sa veste et fis demi-tour. Et le regardant avec un air boudeur, je me précipitais à l’étage avec ses affaires. « YAH ! Ca t’amuse d’interprêter mes gestes ou paroles à ta guise comme ça ? C’est ultra blessant en plus ! Tsch..»

Je montais les escaliers quatre à quatre en tapant du pied et alla poser ses affaires dans… Ma chambre. Y’avait bien la chambre d’ami, mais je ne savais pas où mon père avait mis la clef. Donc tant pis. Monsieur sera dans ma chambre s’il le faut ! Je me retournais vers lui et avant même qu’il me dise quelque chose, je redescendis, bouder pour de bon dans le salon, avec comme compagnon consolateur, la peluche – vu comment je la tenais on aurait vraiment dit qu’elle me faisait un câlin d’ailleurs.

On m’a souvent posé la question quand on apprenait que j’aimais Chang : pourquoi lui ? Je n’ai jamais trouvé la réponse. Ça s’est fait comme ça. Et je ne veux pas donner de raison à ce pourquoi. Je sais bien qu’un jour où l’autre, je devrai expliquer à Chang pourquoi je suis aussi attentionné envers lui. Mais ce jour n’est pas encore arrivé. Et je pense qu’il n’arrivera jamais. Parfois j’ai du mal à le suivre. Autant il peut être très gentil et être un véritable confident. Autant il y a des moments où j’ai l’impression qu’il me déteste, que je devrais cesser d’être toujours collé à ses basques. Cependant, quoi qu’il me fasse ou dise, je reste à ses côtés. Je l’aime tellement que je suis prêt à faire n’importe quelle folie pour lui. Alors comme pour le moment je ne peux qu’être son ami, j’essaie de me contenter de mes petites attentions. Toutefois… Tout comme tout à l’heure… Parfois j’ai du mal à retenir une pulsion. A croire que je cherche le bâton pour me faire battre. A croire que je cherche de moi-même à ce qu’il me brise le cœur.

Sauf que cette fois-ci. Cette fois-ci, contrairement à toutes les autres, je me suis senti encore plus blessé. Et puis… Je n’ai pas envie qu’il parte ce soir. Honnêtement, passer la nuit dans cette grande maison tout seul m’effrayait. Et je préfère de loin avoir un Chang qui s’énerve sur moi, plutôt que de devoir supporter d’être tout seul. A la fois effrayé à l’idée qu’il m’abandonne et blessé, je m’étais précipité pour prendre ses affaires et pour les monter à l’étage, avant de redescendre, m’installer sur le canapé. J’avais pris la peluche dans mes bras, comme si elle seule pouvait me réconforter en cet instant précis. Chang m’avait rejoint. Il était assis, là, sur le fauteuil pas loin du canapé. « Junnie, excuse-moi... ». Je n’aimais pas quand il s’excusait. Parce qu’à mes yeux, ces mots ne se prononcent qu’à des moments bien particuliers. Junnie… J’aimais ce surnom. La première fois qu’il m’avait appelé de cette manière, il m’avait rappelé ma mère. Elle m’appelait tout le temps de cette façon avant. J’aimais ce surnom. Enormément. Et encore plus quand il était prononcé par Chang. Cependant, je me contentais de me pincer la lèvre, serrant un peu plus la peluche contre moi.

Je lui faisais la tête. Si bien, qu’il se sentit obligé de s’expliquer. « Junnie..., je n'ai rien contre ta façon d'être, mais..., tu me connais assez pour savoir que ça me fait peur. J'essaye constamment de comprendre ce que tu veux vraiment de moi, je crois le comprendre parfaitement en fait, mais je... Je n'ai jamais fait ça. Ma mère m'a souvent dit que je ne devais plus t'approcher parce que tu n'es pas normal et que tu ferais tout pour me guider dans un monde qui ne me conviens pas, mais je sais qu'elle a tord. » Peur ? C’était si effrayant ? Qu’est ce qui lui faisait peur ? Comprendre ce que je veux vraiment de lui ? C’est pourtant simple… Qu’il m’aime… Jamais fait ça ? Il y a une première fois à tout non ? Puis… Il pourrait me faire confiance aussi… Un peu plus... Et concernant ce que pense sa mère, je crois que ce qu’elle craint le plus c’est que je lui apporte plus d’amour qu’elle ne le fait. Le nez toujours contre l’épaule de la peluche, je ne répondis rien. Il se rapprocha, s’asseyant à côté de moi. « Hyeong Jun, tu le sais hein, que je t'aime malgré tout. » Je déglutis. Tournant lentement la tête vers lui, hésitant un peu : « Comment… » La suite de ma question ne vint pas. Je le fixais. Et finalement je me disais que je ne me faisais qu’un tas d’illusion, qu’il ne me voyait encore que comme un ami. Je ne le quittais pas des yeux, mon cerveau moulinant à toute vitesse. Il me sortit de mes pensées quand il tenta de récupérer sa peluche : « Et tu vas donner de mauvaises manies à ma peluche si tu continues à la serrer aussi fort ! Donne-la-moi ! » J’avais sursauté un peu quand il m’ordonna de la lui rendre. Je repris mon air vexé – bien plus fake que le précédent- et lui tournait le dos avec la peluche, dont la tête était posée maintenant sur mon épaule. « Eh bah tant mieux ! Qu’elle chope ces sales manies ! Qu’au moins elle te les enseigne après ! » Je restais un moment comme ça. Puis les trois petits mots qu’il m’avait dits plus tôt, me revenaient dans ma tête. Lui tournant toujours le dos, posant la peluche devant moi, la détaillant du regard, je lui demandais sur un ton moins enfantin : « Dis… T-Tu m’aimes vraiment ?... » Je marquais une pause. « Et pour ta mère, ou ton père aussi d’ailleurs… Je sais très bien ce qu’ils pensent. Et si t’as peur… un jour… Tu pourrais me faire confiance ? »

Peut-être qu’au fond je n’essayais pas vraiment de comprendre ou de me mettre un peu à sa place. Peut-être que lorsque l’on ne reçoit pas ou peu d’affection de la part de ses parents cela devient difficile d’accepter celle des autres… Je ne sais pas… En tout cas, là, peut être que j’exagérais un peu à continuer à lui faire la tête. Le pire ? Quand il m’avait demandé de lui rendre la peluche, je lui avais déjà pardonné. N’aurais-je pas du faire genre ? Arf… C’était pour le taquiner. Mais bon. Par quel autre moyen pouvais-je aussi remettre un peu les bouts de mon petit cœur en ordre ? A chaque fois, il me le brise, dès que je deviens trop tendre. Mais comme d’habitude, il m’explique que ça lui fait peur. On a l’impression qu’il me déteste mais dans le fond, je me dis que non. C’est pour ça que je ne suis pas un fou en restant près de lui, quoi qu’il me fasse.

Mais la fatigue mêlée à tout ça –la joie de lui avoir fait un super cadeau, le mal de cœur, la peur d’être tout seul ce soir…- m’a aussi fait dire des choses que je n’aurai pas du dire… Non mais c’est vrai ?? C’était quoi ces questions ?? J’avais bu quoi avant qu’il n’arrive ??? Le drama qui était passé il y a une heure m’était-il monté au cerveau ??? Ne plus jamais regarder de drama si c’est le cas… Du coup, forcément, Chang ne comprit pas. Et j’avais fait l’idiot. Je m’étais d’ailleurs retourné face à lui. Nos regards se croisèrent après qu’il m’ait assuré qu’il me faisait confiance, depuis le début. S’il voulait me donner une baffe, il aurait pu le faire, à la limite. Parce qu’au moins ça m’aurait évité de dire des bêtises. Mais bon. Je l’aurai aussi mal pris… Moi ? Un esprit compliqué ? Mais pas du tout ! C’est lui qui est compliqué !

« Ça n'a pas l'air d'aller en ce moment... Quelque-chose te tracasses ? Tu sais..., si tu as besoin de parler de quoi que ce soit, je suis à ton écoute. » Question fatidique. Je n’avais rien. Et je ne savais pas du tout quoi lui dire. Du coup, je me mis à agiter les mains en signe négatif et à dire : « Ah nan nan nan ! Tout va bien ! » Je baissais les mains et passa la droite sur ma nuque : « Je… Dois juste être un peu fatigué… A passer la journée tout seul, ça m’a tué… » Je n’aime pas m’ennuyer. Et le seul truc que j’avais fait de ma journée, c’était lui acheter la peluche. Et non, je ne lui dirai pas ce que j’ai vraiment sur le cœur. Ce n’est pas le moment, ni le jour, ni l’heure, ni la minute. Et puis je n’allais pas encore lui dire qu’il me blesse à me repousser comme ça. C’est fatiguant aussi ces foutues disputes… Mais bon. Je me dis qu’un jour, s’il en vient à me repousser suffisamment violemment, j’exploserai. Et ça ne lui plaira pas, mais je finirai par cracher le morceau… Mais oui. Plus il me repousse plus ça ne va pas. Je baissais ma main et lui souris : « Et en ce moment, j’suis de plus en plus souvent tout seul. Le soir. Et c’est fatiguant. »

Non, j’ai juste le cœur en bouillie. Mais c’est tout. « Excuse-moi pour tout à l’heure. Et si en ce moment je deviens un peu trop tactile, m’en veux pas trop. » De nouveau je lui souriais. Finalement, j’avais encore caché ce qui n’allait pas. Et pour changer un peu de sujet et chasser l’ambiance un peu lourdingue : « Tu veux faire quoi ? Jouer à la console ? Dormir ? Euh… manger ? Ou autre chose ?» C’est vrai… peut être qu’il n’a pas mangé au fond. Et avec toute cette histoire j’avais oublié un tel truc.

« Tu peux passer plus souvent à la maison, enfin…, si tu le veux. Je sais que c’est toujours toi qui doit te déplacer, je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir te rendre plus souvent visite aussi bien chez toi qu’à l’extérieur. »

Il s’excusait à nouveau. Mais je ne lui en voulais pas du tout. Je ne pouvais pas lui en vouloir, parce que je connais sa situation depuis plusieurs années maintenant. Et je savais très bien combien ses parents le gardaient chez eux comme un trésor inestimable et à ne pas voir perdu dans le monde des gens normaux. Je lui souriais et posa ma main sur son épaule, dans un geste purement amical et durant deux secondes seulement. « Tu n’as pas à t’excuser pour ça, je sais très bien quelle est ta situation et que ce n’est pas facile du tout pour toi. Mais c’est vraiment gentil comme proposition. J’y penserai la prochaine fois. » Oui. La prochaine fois. La fois où je finirai par être encore tout seul sur ce canapé devant une série TV totalement guimauve.

Je m’excusais ensuite pour mon élan d’affection passée, et m’excusais d’avance pour mes gestes possiblement tactiles et futurs de la soirée. Je préférai le mettre en garde pour ça. Parce qu’au final, je savais qu’il n’aimait pas beaucoup ça… Et que très souvent j’oubliais ce petit détail.

« Non, ne t’inquiètes pas. Je ne devrais pas te parler comme ça lorsque ça se produit, je le sais que tu ne le fais exprès. Je ne t’en veux pas, ce n’est pas grave. »

Je restais presque… Sans voix. Parce que… C’était rare les fois où il s’excusait de la sorte. D’habitude, il laissait mon cœur en miettes tout en partant sur autre chose. Ca me touchait du coup, qu’il vienne à s’excuser et à dire qu’il ne m’en voulait pas. Cela me fit vraiment plaisir. Je me contentais d’un sourire en réponse. Heureusement que je n’étais pas trop fatigué, sinon j’en aurais pleuré. Repartant alors du bon pied, je lui demandais ce qu’il voulait faire et notamment s’il avait faim.

« Hm… Je n’ai pas mangé ce matin, mais je peux faire un petit truc à manger, si tu veux bien que j’emprunte ta cuisine. Et ne me dis pas que tu refuses sinon, c’est toi que je mets dans le four et qui finira dans mon assiette ! Des nouilles, ça te tentes ? »

Il savait cuisiner ?!! J’en étais ultra surpris. Et j’avais envie de voir ça. « Non mais bien sûr que tu peux utiliser la cuisine ! Et j’ai tout un tas de nouilles dans mes placards, donc fais toi plaisir ! » Je ne préférais pas relever le coup du fait qu’il me mette dans le four et qu’il me mange… Ça aurait pris un tournant… Peu approprié…. Et il n’aurait pas apprécié… Si ? J’aurai du dire non ? Tant pis… Tout ce que je voulais maintenant, c’était le voir cuisiner. Il aurait pu me dire « tu veux que je te fasse cuir un steak ? » j’aurai dit oui de la même manière. En fait…. Je crois que Chang me surprendra toujours.

Je le vis alors filer dans la cuisine. Je souris face à son enthousiasme. Je l’y avais suivi, parce que je voulais le voir cuisiner. Et tout en le regardant, mes sourcils se froncèrent… Il avait fait une allusion bizarre tout à l’heure… Je ne l’avais pas loupée celle-là… mais… comment vous expliquer ? Venant de lui, je trouvais ça… un peu incongru. Non mais c’est vrai ! Soit c’était une menace mettant en évidence une forme de cannibalisme, ce qui voudrait dire qu’il n’est pas humain, soit… soit ça voulait dire autre chose… et bien je vais vous dire une chose, cette allusion, valait mieux que je l’oublie vite sinon, elle allait me faire dire n’importe quoi encore…

Du coup, je retournais sur le canapé. Et mettant la peluche face à moi, je commençais un entretien télépathique avec elle. Tu crois qu’il… enfin, tu vois ? non ? On est d’accord hein ? Je ne me fais que des idées hein ? Je poussais un soupir et la reposa à côté de moi. Tu as raison petite peluche… Je devrais arrêter de me torturer les neurones, juste pour ça. Je sortis de mes pensées quand il vint me demander où je préférais manger. J’avais à peine pris une décision qu’il était déjà parti. Je fis une moue en gonflant un peu les joues. « J’avais envie de manger à la cuisine… » Marmonnais-je dans la barbe que je n’avais pas, pour moi-même. Tant pis. Depuis le canapé, je le regardais s’activer dans la cuisine. L’odeur me donnait faim.

Il revint avec les bols et les baguettes. Je quittais le canapé pour m’installer aussi par terre à côté de lui, face à mon bol. « waaaaaah…. Ca sent juste trop bon. » Je me saisis sans plus tarder de mes baguettes et commença à manger. « Bon app’ à toi aussi ! » j’attaquais alors mes nouilles en faisant comme tout le monde : un « SLUUUUUURP » en aspirant les nouilles dans ma bouche. Je fermais les yeux et mâchais le tout très vite. « Hmm ! C’est trop bon ! » mais dieu, que c’était chaud. « T’es un as ! Tu devrais venir faire la cuisine pour moi, plus souvent… » Ouais, parce qu’on avait bien eu une cuisinière un temps… mais mon père la virée… Je ne sais même pas pourquoi… Enfin bref. « En plus, à côté, moi je suis une vraie quiche en cuisine ! Enfin… je sais surtout faire des gâteaux quoi… »

Je continuais de manger mes nouilles. Mais vu la façon dont je le mangeais, on avait l’impression que ça faisait… Des semaines que je n’avais pas mangé un vrai repas. Mon dieu. Quelle image je donnais dis donc… En même temps. Ce n’était pas tellement faux. Et puis, une fois mon bol fini, j’eu une idée. « Vu que c’est ton anniversaire aujourd’hui… Ca te dis qu’on fasse un gâteau pour fêter ça comme il se doit ? En plus, doit y avoir le bon nombre de bougie dans un tiroir de la cuisine. »

Chang faire la cuisine. Je rêvais ou bien ? Rooh. Mais c’était juste trop magnifique ! Et le pire c’est que c’était les meilleures nouilles que j’ai pu manger dans ma vie… Depuis le départ de ma mère. Du coup je ne me privai pas de lui dire que c’était vachement bon et que j’étais une quiche en cuisine sauf pour faire des gâteaux.

« Tu sais faire l’un des plats les plus complexes et tu ne sais pas cuisiner des nouilles ? Tu as toujours été d’une logique que je ne comprendrais jamais. »

Je fis une moue. « Tsch… Y’a pas de recette pour les nouilles…Et puis ma mère m’a jamais appris à en faire. »

Je continuais de manger mon bol de nouilles. Assez bruyamment d’ailleurs. Mais que voulez vous ? A part manger du surgelé, je n’avais rien mangé d’autre et là, j’avais l’impression de manger enfin un vrai repas. Et puis je n’avais rien mangé ce matin.

« Eh bien…, on dirait que tu n’as pas mangé depuis des siècles. Ne me dis pas que tu n’as même pas déjeuné ce matin ? Ce n’est pas bien, tu risques de tomber malade si tu continues à faire ça. »

Je me figeais d’un coup. Comment… Zut ! J’avais vraiment fait trop de bruit là. Je me sentis embarrassé. Puis j’avais l’impression d’avoir ma mère là. Je lui répondis alors : « Non. Mais. Tu sais, c’est juste que c’est trop bon là. C’pas que j’ai sauté un repas. » FAUX. Mais je n’avais pas envie qu’il s’inquiète pour moi aussi. « Mange toi aussi. Sinon ça va refroidir… » Tentative de déviation de la conversation ? Peut-être. N’empêche que mon regard ne s’attardait pas très longtemps sur lui. Comme s’il y avait écrit dedans « OUI ! J’AI PAS PRIS DE P’TIT DEJ CE MATIN ! » et qu’il risquait de le voir. Mais faut me comprendre. Ce n’était même pas de la fainéantise, c’était juste que ça impliquait de le prendre avec quelqu’un que je ne supportais pas du tout.

On ne parla plus après. Le temps que l’on finisse de manger. Et puis soudainement j’eu une idée : faire un gâteau pour son anniversaire. « Oh, ne t’embêtes pas pour les bougies, mais je suis partout pour le gâteau ! Tu veux qu’on le fasse à quelle saveur ? Nature ? Chocolat ? Oh, peut-être que tu as de la vanille ? C’est délicieux quand il y a un petit arrière goût de vanille. » Je souris, heureux de le voir enthousiaste à l’idée de faire un gâteau. Je ris même légèrement quand il me proposa tout plein de saveur. « Je sais pas… Hum… Qu’est ce qui te ferais plaisir ? » Je rassemblais les bols et les couverts sur le plateau tout en parlant, quand le portable de Chang sonna avant qu’il ait pu me répondre. Voyant sa réaction, je me demandais si ce n’était pas… Je le regarde un peu inquiet.

Mon regard ensuite se perdit un peu sur un point dans le vide, me perdant alors dans mes pensées. Il avait quitté sa maison d’un coup de tête ? Il s’était mis en froid avec ses parents ? Qu’est ce qu’il s’est passé au juste ? D’autant qu’il en vint même à couper son téléphone pour ne plus entendre la sonnerie. Je chaissais tout mes questionnements et quand je redressais le regard vers lui, il me sourit pour me rassurer sans doute. D’autant qu’il me demanda ce que l’on pourrait mettre dans le gâteau. Je sortis de mes pensées et répondit : « Je ne sais pas mais vu que j’ai de quoi faire un gâteau nature ou au choco ou à la vanille, on choisira ce que tu préfères » Je lui souris et emporta le plateau avec bols et couverts dans la cuisine. Devant l’évier, en posant tout dedans, je me disais que je devrais tout de même lui demander… Mais je n’avais pas envie de le mettre en colère une nouvelle fois. S’il voulait m’en parler, il m’en parlera. Je soufflais un coup histoire d’oublier ce que j’avais vu. J’allais me tourner, mais non. Je me torturais encore les neurones et finalement sans prendre garde en lui faisant face : « Dis… Il s’est passé quelque chose chez toi ? ». Idiot. J’évitais alors tout contact visuel par peur de recevoir des lasers. Et je me mis à sortir tous les ingrédients et ustensiles qu’on aura besoin pour faire le gâteau. « Hum… Alors ? Vanille ? Chocolat ?.... Nature ? » fis-je comme si je n’avais rien demandé avant…

Je lui avais menti. Pour pas qu’il me fasse encore une scène comme d’habitude… Au lycée, je n’apportais plus mon déjeuner parce qu’avant c’était ma mère qui le faisais. Et que je n’aimais pas les plats des cuisinières engagées par mon père à la maison. Mais ça énervait Chang. Et il finissait toujours par partager son repas avec moi. On en avait vécu de ces trucs lui et moi. C’était à peine croyable. Tout ça parce que j’avais fait la folie de me rapprocher de lui, juste pour mieux connaître celui pour qui j’avais le cœur qui battait comme un malade.

Mais les parents de Chang ne me voient que comme « le fils Park ». S’ils savaient combien je voulais voir mon père disparaître… Mais ils s’en fichent. Et tout ce qu’ils veulent, c’est éloigner Chang de moi. On se croirait dans un scénario à la Roméo et Juliette. Sauf que c’est que de l’amitié… Ça tue. Mais c’est surtout ma curiosité qui me tuera un jour. J’avais tout simplement demandé à Chang pourquoi il avait pris la fuite ce soir. Alors que je m’étais promis de ne jamais lui poser la question. Cependant il ne s’était pas mis en colère. Il ne m’avait pas dit que ça ne me regardait pas. J’étais soulagé. Et du coup, je l’écoutais attentivement, cherchant les derniers trucs qui manquaient pour le gâteau.

« Tu sais comment sont un peu mes parents, ils profitent toujours d’un événement en particulier pour ajouter leurs petites touches personnelles pour te pourrir la vie. En fait, ils auraient pu inviter de la famille, ça n’aurait pas été un problème même si je les déteste à un point inimaginable, mais non. Il a fallu qu’ils aillent chercher quelque chose qui me blesse, qui m’énerve. On dirait un peu des sadiques ! » Je connaissais trop bien ses parents. Ils étaient capables de tout. J’attendais la suite de son explication.

« Ils ont trouvés la bonne idée de monter un petit plan pour inviter des amis de longues dates qui ont une charmante fille ressemblante aux derniers mannequins à la mode, tu sais… Elle a des seins énormes au point où elle ne sait pas où les foutre et maquillé comme une voiture volée. Je l’ai déjà rencontré lorsque l’on était plus jeune, elle m’avait carrément dégoûté avec ses manières de blondasses décolorées. Imagine, la tronche que j’aurai pu faire en la revoyant maintenant. »

J’avais la tête dans un placard sous l’évier à cet instant précis et totalement pris par surprise par ce qu’il venait de dire, je m’étais redressé sans faire attention et je m’étais cogné la tête. Je lâchais une plainte mais lui fit signe que ça allait et qu’il pouvait continuer. Je posais le dernier ustensile l’écoutant ensuite sans bouger, non sans ressentir comme une espèce de douleur au cœur.

« Je ne sais pas trop ce qu’ils ont dans la tête, si c’est juste une question d’argent ou, seulement pour s’assurer que le nom de « Cheong » continue à vivre, mais… Quoi qu’il arrive, c’est hors de question ! Les filles, ça me répugnent, ça pue. C’est dégueulasse… »

Je n’avais pas l’habitude de l’entendre parler comme ça. Mais je souris, amusé par les derniers mots. Moi je savais que la seule chose qu’ils voulaient, c’était m’éloigner de Chang de n’importe quelle manière. Mais je ne lui dis rien. Parce qu’il aurait pu prendre cette information… Bizarrement et que je n’avais pas vraiment envie de ça. « Vu le rang social de ta famille… Ce n’est pas très étonnant de leur part… Mais j’avoue que faire ça le jour de ton anniversaire… C’est un peu poussé. Ils auraient pu au moins attendre un autre jour… » J’étais tout de même rassuré de l’entendre dire qu’il n’aimait pas les filles. Mais je ne voulais pas trop espérer non plus. Je me reconcentrai alors sur le gâteau. « Enfin, en tout cas, t’as bien fait de venir. Pis encore une fois, hésite pas à le faire de nouveau si t’en sens le besoin. » Je lui souris.

On changea de sujet. « Enfin bref, passons. Un gâteau nature, ça pourrait le faire, non ? Au pire, on ajoutera ce qu’on veut dedans quand on prendra une part, qu’est-ce que tu en penses ? » Je réfléchis tout en faisant un moue, puis j’hochais la tête. « Ça peut être une idée en effet ! » Je sortis du coup la recette du gâteau nature. Et… j’eus envie de faire l’idiot. C’était la première fois que je faisais un gâteau avec quelqu’un. Alors quand je commençais à m’occuper de la farine, je ne pus m’empêcher d’attaquer Chang avec. Quitte à ce qu’il le prenne mal. Tant pis. Il allait devoir assumer le fait que je voulais détendre l’atmosphère maintenant. En faisant n’importe quoi, comme foutre plus de la farine dans ses cheveux que dans le saladier… Muarf, ce n’était qu’une cuillère à soupe de farine là…

Je reste calme. Certes je prends sur moi. Parce qu’il ne sait pas que pour moi il est plus qu’un meilleur pote. N’importe quelle personne me connaissant bien pouvait être mon meilleur ami. Mais lui il était plus que ça pour moi. Il était irremplaçable. Et tout ce que cette histoire venait de provoquer chez moi fut à nouveau de la rancœur vis-à-vis de ses parents et puis de la tristesse aussi. Parce que je me disais que ce genre de trucs devait bien arriver un jour et que quoi qu’en dise Chang, ils seraient tout à fait capable de le marier de force. A moins que Chang finisse par couper les ponts avec lui. Mais je savais que ça risquait de me retomber dessus… Alors oui je restais calme, prenais sur moi et affichait l’air d’être serein. Mais cétait simplement pour pas qu’il s’en fasse. Et surtout pour pas qu’il me pose la question du pourquoi je le prends mal.

La conversation sur ce sujet s’acheva. Il me rejoignit pour m’aider à faire la pâte. Si j’aimais bien faire les gâteaux c’était que c’était si compliqué que je ne pouvais pas penser à autre chose que faire le gâteau correctement. Je souris en entendant son merci alors que je lui disais qu’il pouvait venir ici dès qu’il en ressentait le besoin. Je le laissais s’occuper des œufs. Puis je m’emparais de la farine et… tout en lui jetant un bref regard, je lui envoyait la farine dans la figure. Il ferma les yeux d’un coup et toussota aussi. Moi je me mis à rire légèrement en le voyant comme ça du coup. Mais le voyant froncer les sourcils, je m’emparai d’un torchon et le passa un peu sur son visage. Le voyant ouvrir les yeux, je ne pus m’empêcher de lui adresser un regard… Inquiet. Allait-il me sauter à la gorge ??? Ou alors… jouer le jeu ?... Dur moment de suspens. Ma main s’était arrêtée d’ailleurs de lui essuyer doucement le visage. Mais vous savez… Ce contact visuel me donna aussi des battements de cœur intense. J’aime ses yeux. J’aime son regard. J’aime… Tout en fait.

« C’est pas bon ! » finit-il par dire. J’écarquillais les yeux. Hein ? C’était tout ? Je ris légèrement. « Mah… Pardon de t’en avoir foutu dans la bouche~ »

Il toussa une énième fois et avant de comprendre ce qu’il m’arrivait, je me retrouvais moi aussi avec de la farine dans la tronche. J’avais instinctivement détourné un peu la tête et avait fermé les yeux et la bouche. J’attendis quelques seconde avant d’ouvrir un œil et d’agiter la tête pour virer l'éventuelle farine de mes cheveux. « On est quitte maintenant ! » Quittes ? HAHAHA ! La bonne blague. Chang m’avait aussi attaqué avec de l’eau. Je ne m’y étais tellement pas attendu que j’avais de nouveau fermé les yeux en poussant un cri de surprise. « YAH ! » Elle était froide en plus… Tsss… Je plissais alors les yeux l'air de dire "J’vais prendre ma revanche aussi tu vas voir toi ! Spece de panda !" J’ouvris alors le robinet et me rinça le visage aussi. Mais au lieu de m’essuyer les mains après avoir coupé l’eau, je l’aspergeai d’eau de mes doigts pour les égoutter. MOUHAHAHA. J’eus un petit sourire malicieux. « Héhé. » Oui parce qu’en plus j’étais fier de moi. Après quoi je mis pour de bon la farine dans le saladier et ajouta le sucre. Je mis le saladier devant lui et lui dit « Tiens ! Mélange ! t’as plus de muscles que moi… » Genre l’excuse.

En tout cas ça me fit plus que plaisir de le voir agir comme moi, en grand gamin. Je crois que ça remonte à loin la dernière fois où on a fait les débiles comme ça. On grandit vraiment trop vite. Y penser me fit sourire franchement.

Quels gamins on faisait n’empêche ! A se battre avec de la farine comme ça. Ca aurait pu dégénérer en guerre n’empêche. Mais j’avais tout de même la présence d’esprit de ne pas aggraver notre cas d’avantage, car mon père n’aurait pas du tout apprécié de, un : trouver Chang à la maison, et de deux de voir la cuisine ou même tout le rez de chaussée couvert de farine. Mais vous savez ? On l’aurait fait, il aurai crié tout ce qu’il aurait voulu, je m’en aurait tamponné le nombril en mangeant une part de notre gâteau. Je m’en foutais royalement de ce que mon père pouvait bien penser. Il n’aimait pas Chang, mais tout ça c’est juste une question de pure jalousie, parce que la famille Cheong est plus puissante que lui. En même temps, ils sont plus intelligents et il pensent un peu plus à leur image et leur réputation. Non je n’aime pas mon père, et je dois dire que je ne m’en cache absolument pas.

Je mis par la suite le saladier avec tous les ingrédients dedans, devant Chang en lui demandant de mélanger sous un faux prétexte. Oui parce que l’on sait tous que je suis un peu plus grand, que je suis celui qui fait le plus souvent ses biceps en grimpant à sa fenêtre, et… Bref. Je me contentais de le trouver encore plus chou avec sa petite mine boudeuse là. Mais j’insistais en lui tendant carrément le fouet. Non je n’allais pas avoir pitié ! Enfin… Si j’aurai pu, mais ça aurait été moins drôle. Vraiment moins drôle. Puis j’aimais sa tête boudeuse. Il la garda d’ailleurs tandis qu’il commença à mélanger. Et moi je m’accoudais au plan de travail là, à côté. Et je le fixais, le menton cloué sur la paume de ma main. Je regardais de temps à autre comment la pâte se formait et quelle tête elle avait mais mes yeux revenais direct sur la tête de mon panda préféré. Il était vraiment mignon. Si je n’avais pas un peu de sang-froid, j’en rougirais. Mais pourquoi je trouvais que ça ne le mettais pas à l’aise ?

« Dis…, tu pourrais beurrer un moule, commencé à préchauffer le four et nettoyer un peu le bazar qu’on a fait ? » me demanda-t-il alors. Et puis j’entendis un : « Au lieu de me regarder comme ça… »

Je faillis rougir direct. Je me contentait de me redresser et de faire une tête faussement innocente, mon regard fuyant un peu sa tête cette fois. Et tout en faisant une petite moue et je marmonnais aussi : « Moi ? Te regarder ?... N’importe quoi… Hum… Et puis te regarder comment… tsch… » Et je m’ éloignais pour faire ce qu’il m’avait demandé, ma main allant légèrement ébouriffer mes cheveux. Cela ne m’empêcha pas de jeter de temps à autre un regard vers lui. En fait, j’espérais qu’il sente comme un rayon laser sur sa nuque là, alors que je passe l’éponge pour effacer nos conneries. Le four lui, commença déjà à préchauffer. Le moule beurré, je revins vers lui pour le lui donner et je l’aidais à tenir le saladier tandis qu’il versait la pâte. Je récupérais le saladier vide et le mis dans l’évier tandis que Chang mettait le gâteau dans le four.

« Bon…, qu’est-ce qu’on fait en attendant ? » me demanda-t-il alors. J’haussais les épaules. « La vaisselle déjà non ? Ou alors, on verra ça plus tard… » Faire la vaisselle… Je sentais que je n’allais encore pas pouvoir me tenir tranquille en la faisant avec lui… non mais sérieux ! Que voulez-vous que je fasse à par l’arroser ? Si faire la vaisselle avec Chang rimait avec la faire sérieusement, eh bien…. Je ne la ferai pas. « Ou alors tu as une envie particulière ? Je sais pas… » oui je sais Chang, je t’aide beaucoup…

« Ah ! Euhm au fait… Si tu veux tu peux rester ici cette nuit… Y’a une chambre de libre de toute manière… Et même si j’trouve pas la clé de la dite chambre, y’a d’la place pour deux dans la mienne…] » Oh lalalala…… il avait intérêt à ne pas prendre ça de travers sinon j’étais foutu de chez foutu ! Et me revoilà avec mes tics quand je suis embarrassé… Non mais sérieux ! Je ne peux pas faire genre je suis pas embarrassé devant lui ?? Toujours pareil. Je ne peux rien lui cacher. Faut que je sois trop honnête avec lui quand avec les autres, cacher mes émotions est juste un jeu d’enfant…

Moi ? avoir un fouet électrique ? Si j’en avais un bien sûr… Mais j’avais envie de l’embêter là. Je sais pas pourquoi. J’en avais eu envie. Pour m’amuser. Je devais être souvent comme ça. Avec lui surtout. Du coup, je passais mon temps à le regarder travailler. Que voulez-vous que je vous dise ? J’aime lui changer les idées, m’amuser avec lui, faire le pitre avec lui, me confier, mais aussi le regarder, parce que j’aime ses traits, son visage, ses yeux, ses cheveux, ses yeux… Enfin surtout ses yeux… Il m’avait tiré de mon observation de sa belle personne en me rappelant que je devrais peut être mettre le four en marche et nettoyer un peu la farine qu’on avait versé sur le plan de travail. Incroyable qu’elle n’ait pas touché le sol d’ailleurs… Mais pourquoi je sentais là-dedans comme un moyen de se débarrasser de mon regard ? Il ne l’aime pas ? pourtant je ne fais que le regarder… Avec amour. Et tendresse. Non rien de plus ! Juste amour et tendresse. Peut-être qu’il n’avait pas du tout l’habitude qu’on le regarde comme ça aussi…Ou alors… Ou alors j’en disais beaucoup trop avec mon regard... Du coup, tout en faisant ce qu’il me demandait je ne cessais pas de le regarder. Juste pour le taquiner cette fois. Mais il ne bougea pas d’un pouce. Et moi ? Je déglutis. Peut être que j’en faisais trop. En plus, je feignais ne pas le regarder de manière bizarre. En plus, en quoi ça peut lui poser des problèmes ? Ce n’est pas comme s’il partageait mes sentiments… Si ? Mais je suis honnête : si j’aime tant le regarder c’est vraiment parce que j’en ai le cœur qui bat et que j’ai l’impression de sentir me pousser des ailes. Je l’aime. C’est tout. C’est pas compliqué. C’est même simple. Mais c’est dur. Parce que malgré tout, mes petites attentions peuvent être mal prises par Chang.

Je lui proposais après de faire la vaisselle. Vu sa tête, je compris qu’il n’en était pas du tout inspiré. Ou pire, qu’il ne comprenait pas le concept de faire la vaisselle. Du coup, je changeais de sujet, et évoqua le fait qu’il pouvait dormir à la maison cette nuit. Je savais qu’on avait une fois dormi sur son lit tous les deux une après-midi. Mais justement. Le fait de repenser à ce moment-là… Ben j’en avais des palpitations partout. Comment vous dire… Entendre sa respiration, voir son visage endormi… Sentir sa chaleur et son souffle… Il me faisait tourner la tête. Et ce souvenir me rendait encore plus dingue. Du coup, je ne me sentais pas capable de lui proposer aussi de faire une chose pareille ici… Cette nuit… Et d’ailleurs j’étais un peu embarrassé de lui faire la proposition de dormir à la maison.

« Ne t’embêtes pas pour tout ça, on fera comme d’habitude. Si ça ne te déranges pas, bien sûr. Sinon ne t’en fais pas, je dormirais dans le canapé ou sur un matelas, si tu en as un à disposition. »

Je crus sentir mon cœur manquer un battement. Je restais une seconde tétanisé. « Faire comme d’habitude ». L’autre fois ne l’avais donc pas dérangé ? Ah. Mon dieu. Mon dieu. Mon dieu. Mon dieu. NON JUN NE ROUGIS PAS ! Je manquais de perdre mon sang froid là. Du coup je me mis à bafouiller :

« Hein ? Ah. Non, non ! Ça ne me dérange pas hein ! Pis… Nan… j’refuse de te laisser dormir sur le canapé… enfin… j’veux dire… si une personne devait le faire, c’moi pas toi. C’tout. Pis c’est pas confortable. Et de matelas… j’en ai pas… »

Pause. J’imaginais juste la scène. Lui. Moi. A côté. Sur mon lit. STOP. J’allais mourir. Ma main repassa dans mes cheveux, les ébouriffants à nouveau, tandis que mon regard fuyait encore le sien et prenant une esquive :

« J’vais faire la vaisselle… »

Je me précipitais vers l’évier, ouvrit l’eau et commença à nettoyer nerveusement ce qu’on avait utilisé pour faire le gâteau.