Tu t’enchaînes dans des principes qui n’existent pas pour t’accabler d’un fardeau inexistant. Tu te voiles la face pour étouffer davantage tes sentiments, mais bourdonne dans tes oreilles cette musique, ce refrain. Tu revis cette nuit à chaque instant, cette foule qui te bouscule, les rayons lumineux qui balayent la salle, et lui, qui se tenait sous tes yeux ébahis. Et lorsque vos regards se sont croisés, tu as eu cette envie folle de remonter dans le temps pour pouvoir t’avancer et le prendre dans tes bras. Le serrer contre toi, et lui dire que vous étiez enfin réuni. Mais il y a maintenant un gouffre entre vous, pour te protéger tu as bâti un mur. Loin de ses souvenirs que tu chérissais, loin de cette douleur que ces souvenirs ont pu t’infliger. Tu ne le quittes pas des yeux, jusqu’à la fin. Résonne alors le dernier accord et tu fuis. Minuit a sonné. Il te faut partir.

Cela faisait trois jours qu’il pleuvait, cela faisait aussi trois jours que le temps reflétait le chaos qui s’était installé dans son esprit. Un temps splendide, gris, terne, déprimant tout comme elle l’était en ce début de semaine. Les cheveux tirés en arrière par un chignon retenu par un crayon, la demoiselle avait décidé d’aller faire les courses pour la semaine car les placards étaient vide tout comme le réfrigérateur. Sa liste des courses ? Boîte de conserve et surgelés car elle était incapable de cuisiner, trop distraite pour pouvoir se concentrer pour une pareille activé et bien que Jung Hee en était tout à fait apte, elle voulait pour une fois avoir autre chose qu’un supplément de saveur goût hémoglobine. Ils devaient réduire leur dépense ; les commandes de plats, les sortis au restaurant commençaient sérieusement à peser en fin de moi, alors elle s’était résolu de prendre de nouvelles initiatives, comme prendre des cours de cuisine dès qu’elle aurait l’occasion. Pour l’instant, ils allaient devoir se satisfaire avec des plats préchauffés. Elle ajustait sa sacoche sur son épaule avant de monter les escalateurs qui la menaient vers le sixième étage du centre commerciale. Dix-sept heures, mais la foule était là, la période des soldes battaient son temps pleins. Voir ce monde souriant et impatient de faire ses achats à prix cassé, la rendait curieuse à son tour. Une envie de lèche-vitrine, bien que seule, elle prenait ça pour une promenade. Elle sort de sa poche son portable, voir si elle avait reçu un message, mais rien, aucune réponse. Elle avait envie de contacter sa meilleure amie pour s’excuser et se faire pardonner en faisant les soldes avec elle, mais leur cœur n’y était pas. Elle ne voulait pas lui faire face, ou plutôt faire face à ses questions. Jung Hee ? Elle n’avait pas envie de le déranger, après tout elle le voyait bien assez puisqu’ils cohabitaient ensemble. Rester seule semblait être la meilleure des solutions, l’occasion pour elle de se changer les idées et faire disparaître sa morosité. Alors au lieu de monter jusqu’au sixième étage, elle s’arrêta au troisième étage, réservée pour les vêtements féminins déclinée dans toutes les marques possibles. C’est en se retournant pour voir les boutiques de l’autre côté d’où elle se tenait qu’elle croisa alors cette silhouette familière qui prenait l’escalateur dans le sens opposé. Les yeux ronds, elle le fixait, et lorsque ce dernier tourna la tête, elle se laissa tombée sur le sol, dans l’espoir qu’il ne l’ait pas vu. Cachée derrière l’une des plantes vertes qui décoraient de part et d’autre les côtés de l’escalator. Doucement, elle se relève, tentant toujours de se dissimuler derrière la plante, elle jette un rapide coup d’œil vers le lieu où elle pensait l’avoir aperçu, son frère. La première idée qui lui traversa l’esprit fut alors de changer d’étage, mais elle serait alors exposée. Alors, elle prit l’initiative de courir, de se mêler à la foule. Paranoïaque ? Peut-être bien, mais elle préférait être certaine qu’elle s’était trompée et qu’il ne l’avait pas vu. Hee Cheol ne voulait pas le voir, elle n’était pas prête pour une seconde rencontre surprise. Elle n’avait rien préparé et il y avait une chose qu'elle détestait, c'était les contre-temps.

On t’avait dit que le monde était vaste, que les océans semblaient sans fin, mais aujourd’hui tu grimaces, le monde est petit, bien trop petit car tu ne fais que croiser chaque jour des visages que tu connais. Le hasard ? Tu n’y crois pas, il n’y a que fatalité pour toi. Tu as beau passer par mille et un détours, au bout du chemin tu sais que tu rencontreras toujours ses mêmes personnes, certes de nouvelles têtes s’ajouteront mais au final, ils seront toujours là. D’un côté cela t’exaspère, mais d’un autre ça te rassure car parmi toutes les rencontres que tu fais, il y en a que tu chéris et que tu voudrais ne pas perdre mais que le temps vous sépare ; néanmoins tu sais que cette séparation est et sera toujours temporaire. C’est une promesse, un accord secret.


Le sourire de la demoiselle se transforma en grimace, elle se glissait avec habilité entre les gens, profitant de sa silhouette plutôt fine pour se faufiler sans trop les bousculer même si parfois, elle se ratait et s’excusait rapidement avant de repartir. Elle n’avait pas besoin de le voir pour savoir qu’il était à ses trousses, malgré la cacophonie qu’émettait la foule, elle arrivait à discerner sa voix, une voix qu’elle connaissait par cœur et pouvais reconnaître parmi des milliers d’autre. Parce que son sac qui pendouillait la gênait en la frappant à chacun de ses pas, elle le souleva et le serra contre elle pour mieux courir ; elle n’avait qu’un but à présent, adieu les courses, elle devait avant tout le semer. Dévalant quatre à quatre les marches de l’escalator, HeeCheol n’osait pas regarder derrière elle ou même autour d’elle de peur de croiser son regard, s’excusant pour se frayer un passage, quand elle arriva sur le second étage, elle se mit à courir le plus à droite possible, longeant alors les vitrines des boutiques pour qu’il ne puisse pas la voir. Rapidement, elle s’arrêta, analysant ce qui l’entourait afin de prendre un avantage, aussi petit soit-il car elle savait qu’elle ne pouvait pas toujours courir de la sorte sans attirer l’attention. La demoiselle ramène derrière son oreille ses mèches folles qui lui barraient le visage, et adopte l’allure d’une personne quelconque dans l’espoir de pouvoir le tromper quand soudain, une idée germa de son esprit. Du moins, en voyant une boutique de lingerie féminine, elle eut ce sourire sournois sur ses lèvres et brillait dans son regard, ses lueurs pétillantes, enjouées. Elle accélère le pas, veillant à ce qu’il ne remarque pas son dessein bien que pour le moment elle n’avait pour seul indice que le son de sa voix. Elle s’arrête, s’accroupit et enlève le crayon qui retenait ses cheveux, et rapidement, ébouriffe ses cheveux pour les libérer et essaie rapidement de les coiffer. Cheveux détachés, un brin plus confiante, la demoiselle en fuite se dirigeait vers le magasin qui avait attiré son attention.

Arrivée à l’intérieur de la boutique, elle jeta de rapide coup d’œil sur les articles, prenant au hasard quelques ensembles de sous-vêtements avant de se diriger vers une employée en uniforme qui l’accueillit avec un grand sourire « < Mademoiselle, puis-je vous aider ? », HeeCheol lui adressa un grand sourire, lançant sans cesse des regards furtifs autour d’elle, avant de lui répondre « J’aimerai bien savoir où se trouve les cabines d’essayage s’il vous plaît. », un sourire encore plus large fendit les lèvres de la femme, qui la dirigea vers l’endroit recherché, et fermera le rideau une seconde avant de le rouvrir et elle fit un signe à cette dernière, lui disant d’approcher. « Si vous voyez un jeune homme d’environ un mètre quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-dix, cheveux courts foncés, dites-lui que vous ne m’avez jamais vu ! Vous me rendez grandement service, d'accord? » murmura-t-elle avant de refermer le rideau que lorsqu'elle eut la promesse de la vendeuse, et de se laisser tomber sur le tabouret. La demoiselle poussa un long soupire, et se regarda sur le miroir rectangulaire accroché au mur, en se voyant elle ne put s’empêcher de sourire. Elle réarrangea ses cheveux tant bien que mal, et ajusta sa veste. Elle accrocha les articles qu’elle avait pris tantôt, il n’était pas question pour elle de les essayer. Cette boutique était devenue son refuge. Maintenant, elle n’avait plus qu’à prier et attendre.

Plus les secondes s’écoulent et plus tu sens sous tes mains ton cœur s’accélérer. Au rythme de ses pas, ton cœur bat. Au rythme de son souffle, tu sens que le compte à rebours est déjà lancé. Tu frémis, le jeu a commencé. Tout n’était qu’une question de chance, ou plutôt un coup de destin. Pile, il te trouvera. Face, il ne te trouvera pas. Inconsciemment ton esprit penche, et tu sais qu’il te trouvera parce que tu veux être trouvé. Tu veux encore cette preuve alors tu le mets à l’épreuve. Ce lien du sang, ce lien fusionnel, a-t-il été un instant fictif ? Depuis le début, rêvais-tu seule ? Tu espères encore, mais tu te refuses de l’admettre. Jaillit alors les ombres du passé, les démons et les chimères te hantent de nouveau. Il t’a trahit. Le mal a été fait. Ton cœur te serre, tu fermes les yeux. Le pardon n’est pas une option. Némésis sera ta seule étoile. Des nuages voilent ta conscience, tu replonges dans le plus doux des mensonges.

Elle se mordille les lèvres nerveusement, et ne cesse de jeter des regards inquiets autour d’elle. Il pourrait débarquer à tout moment, il pourrait venir du plafond, de la cabine de droite, de la cabine de gauche et même du sol. Elle s’agite, stressée par cet instant de suspens absolu, et hésitait même à trouver le rideau qui la cachait pour qu’elle puisse voir ce qui se passait de l’autre côté de celui-ci. Mais elle attend, sa patience a toujours été son point fort dans ses moments. Après tout, enfant elle gagnait toujours aux jeux de cache-cache. Converses aux pieds, elle tapait légèrement le sol, frustrée. Patience, mais son esprit ne pouvait la laisser tranquille. Défilent à une allure folle mille et une questions surgissant de nulle part et dont elle connaissait la réponse plupart. Elle saisit les articles qu’elle avait pris il y a quelques minutes, de la dentelle, de la jolie dentelle rouge. Elle n’osait à peine s’imaginer dans ce genre de lingerie.Elle se remémore soudainement un détail, à ses jeux de cache-cache, seul Ki Seol la trouvait. Il était le seul à connaître son esprit, il était le seul à pouvoir lire dans ses pensées.

Le rideau tombe et elle le voit. Son cœur rate un battement. C’était la première fois qu’elle le voyait de près, cela fait trop longtemps qu’elle ne l’avait pas vu. Son elle passé se serait jetée dans ses bras, et l’aurait couvert de baisers, mais elle avait changé. Le remord lui pince le cœur mais elle le réprimande bien vite. Le jeu devait continuer, il était trop tard pour recommencer. En le voyant, elle se lève en renversant le tabouret, Se lit sur son visage de la surprise. Il la connaissait trop bien, après tout il n’était pas personne. Il était son seul et unique frère. Un crétin. Elle le pousse et referme le rideau qu’elle maintient elle-même, elle hurle provoquant attirant ainsi l’attention de toutes les personnes présentes dans la boutique. « PERVERS.» Dans une autre vie, ou peut-être même dans celle-ci, Hee Cheol ferait une excellente actrice. Le jeu allait commencer, elle donnait le premier coup d’envoi. « combien de fois faut-il que je te le dise, je refuse de sortir avec toi de nouveau. Pas après ce que tu m’as fait. Je me suis sentie, humiliée et souillée que tu m'abandonnes ainsi à l'autel pour rejoindre cette femme déjà mariée ? » Sa voix se nuançait, donnant à ses propos de la crédibilité et même son visage portait l’expression tout juste parfaite pour cette comédie. Elle était une femme brisée, elle jouait le rôle d’une femme qui avait fait l’erreur de vouloir trop aimer. Ce rôle lui était familier, ce sentiment de trahison et cette volonté de ne plus vouloir renouer. Mais aux yeux de son frère, tout ceci serait juste une mascarade ? Une sœur qui pour leur retrouvaille voulait lui jouer un mauvais tour ? Qu’importe, elle avait envie de rire. « Je t’ai tout donné, j’ai tout abandonné pour te suivre. Que ce soit mon statut de fille choyé, mes parents, mes avenirs, mon avenir, j’ai tout plaqué pour tes promesses. Mais tu ne voulais que l’argent, et quand je n’avais plus rien, tu es aussi parti. » Sa voix se meurt à la fin de ce monologue, avant qu’un sanglot la saisisse. Roule joliment son visage triste de grosses billes humides. Intérieurement, elle s’auto-surprenait. Tout découlait si une telle fluidité, elle avait rien préparé, et pourtant, elle avait vraiment l’impression d’être cette femme. « Vas-t-en, arrête de me suivre. Laisse-moi t'oublier, laisse-moi aller de l'avant. »

Tu t’obstines à prendre ces chemins peu fréquentables, les ronces t’écorchent le visage, les bras, les jambes mais tu ne recules devant rien. Tu as passé depuis longtemps le point de non-retour, et même si tu pouvais faire marche arrière, ta fierté t’en empêcherait. Tu ne reviendras pas sur tes décisions, pas aussi facilement car tu ne veux pas être juste une poupée sur lequel il suffit de tirer un peu sur le fil pour qu’elle se débloque. Tu ne te veux pas accessible, tu ne te veux pas faible. Les roses ont des épines et tu t’es gardé depuis longtemps de les montrer. Parle que je te pique. Parle et je t’érafle. Parle et je t’écorche. Et perle, perle sur mes épines ton sang qui tâche le blanc de mes pétales. Et perle, perle sur mes feuilles ton sang qui souille le blanc de mes souvenirs. Que te restera-t-il à la fin ?

Deux années se sont écoulées et pourtant, il aura suffi d’une chanson pour que déjà les murs qu’elle avait dressés pour se protéger lorsqu’il l’avait abandonné commencent à s’effriter. Ces remparts plus hautes que n’importe quelle tour de cathédrale fondaient tel de la glace au contact doux d’un soleil longtemps éclipsé d’un univers en ruine. Plus elle sent sa volonté fléchir et plus elle serre ses poings. Elle ne voulait plus rien entendre de plus venant de lui, elle se sentait encore plus exaspérée et encore plus naïve de l’avoir autant aimé. Désolé, elle détestait ce mot plus que tout, et encore plus chaque phrase qu’il venait de dire. Ne me dis pas que tu serais venu me rechercher sur cette île car je sais pertinemment que le jour où tu y remettras les pieds, plusieurs années se seraient écoulée. Ne me dis pas que tu es désolé car tu ne sais pas la couleur des jours qui se sont écoulés lorsque tu es parti. Ne me dis pas que mes larmes, mon chagrin s’effaceront avec un simple désolé. Elle s’entête dans son silence, cela ne valait pas le coup de parler ici et encore moins lorsqu’elle n’avait qu’une ambition en tête, celle de fuir. Elle aurait voulu lui dire de se taire car tout ce qu’il faisait, n’était qu’allumer le feu qui la torturait. Hee Cheol reste droite, elle le regarde avec cet air infiniment indéchiffrable, et de façon spontanée, franchit le seul pas qui les séparait et doucement, l’enlace. Elle retrouve alors ce parfum qu’elle pensait avoir oublié et la tiédeur d’un corps qu’elle connaissait depuis toujours. Elle ferme les yeux, et prie pour que tout ceci ne soit qu’un rêve, elle prie pour retourner à cette époque où elle pouvait juste l’adorer de tout son cœur. Mais quand elle rouvrit les yeux, ce fut avec amertume. Ce qui avait été fait ne pouvait pas être simplement effacé. Parce qu’il ne pouvait pas voir son visage encore enfoui contre lui, elle versa une larme. Elle lève ses bras mais au lieu de les nouer autour de la taille de son frère, elle agrafe autour de sa taille, le soutien-gorge qu’elle avait gardé en main, avant de le repousser vers l’intérieur de la cabine de toutes ses forces, et saisir son sac. Elle se met à courir et s’arrête. « J’ai pas envie de discuter avec toi. Une prochaine fois peut-être ? » Elle sourit et lui tire la langue avant pivoter sur ses talons et de filer en flèche vers la sortie pour se fondre dans la masse. Immature, insensible, les adjectifs défilent dans son esprit, mais elle s’en fichait éperdument, tant qu’elle pouvait fuir et partir le plus loin que possible. Mais lorsque les portes du magasin se referment derrière elle, elle souffle dessus pour embuer la vitre, et de son doigt trace un mot.

Babo.